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52 INTRODUCTION

ou le bien moral. Mais la loi ne peut et ne doit pas reconnaître d'autorité autre que la sienne : tout ce qu'elle touche perd son caractère naturel pour devenir politique et civil, et toute loi peut être modifiée ou supprimée, au gré de la volonté générale. La doctrine de la souveraineté populaire nous paraît donc la con- clusion logique et sincère de toute politique vraiment libérale, c'est-à-dire faisant de la liberté politique la condition et la garantie de la liberté civile.

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Par amour de la liberté, dira-t-on, nous sommes donc conduits infailliblement au despotisme ou à la tyrannie des majorités. — Toute démocratie nous y expose assu- rément, mais elle ne nous y condamne pas. Il reste, en effet, pour retenir et guider la volonté générale et pour lui imposer le respect des libertés nécessaires, la puissance morale de la raison. Il s'agit de savoir quelle valeur il convient d'attribuer à ce facteur. Les adver- saires de la souveraineté populaire en font bon marché et montrent par là même peu de confiance dans la légitimité des droits individuels dont ils se font les défenseurs. Ils semblent sentir que quelques-uns de ces prétendus droits naturels sont malaisés à justifier par l'utilité sociale et ont besoin d'être revêtus d'un carac- tère absolu et sacré. S'ils sont légitimes, cependant, c'est qu'ils sont avantageux à tous. Il suffira donc qu'un peuple soit éclairé sur ses véritables intérêts pour qu'il comprenne la nécessité de faire de la loi la pro- tectrice de ces droits.

Dira-t-on qu'un peuple est guidé par la passion, non par la raison pure, je répondrai qu'il ne s'agit pas là de raison pure : mais du calcul des intérêts, ce que les hommes ont quelque inclination naturelle à com- prendre, et que d'ailleurs, si l'on ne peut attendre qu'un peuple soit uniquement composé d'hommes raison-

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