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exploits de ce prince. Il lui dépeignait sa puissance en termes capables de figer le sang du plus bouillant guerrier. Tout récemment, il avait capturé quatre-vingt-six rois ; il se promettait de compléter au plus tôt la centaine, pour immoler à Paçupati[1] cette hécatombe choisie[2].

Ce qui donne à cet épisode son importance, outre les détails de mœurs qu’il renferme, c’est l’espèce d’antagonisme qu’il indique ici entre Çiva dont Jarâsañdha est le serviteur zélé, et Viṣṇu dont Kṛṣṇa est l’avatar et les Pândavas les protégés.

Yudhiṣṭhira effrayé déclara qu’il renonçait à se faire proclamer monarque universel, plutôt que de combattre Jarâsañdha ou de laisser quelque autre le combattre en son nom. Arjuna, fier de ses armes et de sa vaillance, ne voulut pas entendre parler de céder au roi de Magadha, sans la lui disputer, la suprématie qu’il ambitionnait. Il se faisait fort de le vaincre ; n’avait-il pas un arc merveilleux et deux carquois inépuisables, sans parler de ses autres avantages ?[3]

Arjuna, Bhîma et Kṛṣṇa déguisés en Snâtakas[4] se rendirent dans la capitale du royaume de Magadha, Girivraja, où Jarâsañdha, suivant le Bhâgavata Purâṇa, détenait en captivité non pas seulement quatre-vingt-six, mais vingt mille rois[5]. Ils obtinrent une audience du roi et Kṛṣṇa s’y montra suffisamment arrogant. Jarâsañdha fut tout d’abord étrangement surpris de l’attitude

  1. Surnom de Çiva.
  2. XV, 24.
  3. XVI, 6 et seq.
  4. XXI, 24. Le Snâtaka est le jeune Deux-fois-né qui vient de prendre le bain, prescrit pour la fin des études.
  5. 10, LXX, 24 ; LXXII, 16.