Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/328

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prévenir cette rupture qui les prive de leur plus douce espérance, au moment de jouir. Voici leur procédé : lorsque la pomme est parvenue au point de sa grosseur, ils arrachent la plante à moitié, & la force de la végétation est ralentie par le brisement d’une partie des racines. Celles qui restent intactes reprennent une nouvelle vigueur, & semblent vouloir dédommager la plante de la perte de nourriture qu’elle avoit faite. En effet, elles parviendraient à rétablir le cours dé la végétation, si on ne se hâtoit pas, dès qu’on s’apperçoit de sa reprise, d’arracher entièrement le pied de terre, & d’enlever, de dessus la tige, toutes les feuilles, excepté celles qui forment la pomme. Après cette opération, on étend sur la terre, dans un lieu abrité du soleil, chaque pied de chou l’un près de l’autre, la tête tournée au nord, & on jette de la terre sur les racines. On commence de la même manière un second, un troisième rang, & ainsi de suite, jusqu’à ce que tous les pieds soient en sûreté. En suivant cette méthode, on les conserve fort longtemps ; mais s’il survient de fortes gelées, il est essentiel de les couvrir avec de la litière longue & sèche.

Les pieds ainsi disposés, on choisira ceux qui auront le mieux passé l’hiver, & on les conservera pour grainer. Après la saison des froids, c’est-à-dire, en mars, on les replantera à demeure. À mesure que le renouvellement de chaleur commence à se faire sentir, la tige s’élance du milieu de la pomme qui crève ; elle se charge de rameaux de fleurs, ensuite de siliques qui renferment la graine, vertes d’abord, ensuite jaunâtres, & quelquefois rouges. Dès qu’on s’apperçoit que les siliques commencent à s’ouvrir, c’est le moment de couper la plante par le pied, & de l’exposer perpendiculairement, & pendant un jour, à l’ardeur du gros soleil.

Il y a deux observations à faire. La première est, que les feuilles qui forment la pomme du chou, sont si serrées les unes contre les autres, que la tige n’a pas la force de les pénétrer, & de s’ouvrir un passage. Elle soulève ces feuilles autant qu’elle peut, les détache en partie les unes des autres ; l’air & l’humidité les pénètrent ; enfin, elles pourrissent & sont pourrir la tige. Dès qu’on reconnoît cette résistance, qui s’oppose à l’élancement de la tige, il faut fendre en croix la masse des feuilles, mais prendre garde de ne pas attaquer la tige ; & il vaut mieux revenir, pendant plusieurs jours de suite, à l’opération, que de trop brusquer la première.

La seconde observation consiste à cueillir, pour sont usage seulement, les graines de la tige du milieu, & on fera affiné d’avoir de beaux choux dans la suite : elles sont toujours les plus saines & les mieux nourries. Les marchands de graines potagères achètent de toutes mains, & les graines des rameaux qui naissent sur les côtés de la tige, sont très-inférieures aux premières, soit parce qu’elles sont moins bien nourries, soit parce qu’elles n’étoient pas assez mûres, lorsqu’on a coupé la plante par le pied. On ne doit donc pas être étonné, si plus de la moitié des graines qu’on achète chez ces marchands, ne lèvent pas, ou lèvent mal. Ce qui vient d’être dit du chou