Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/456

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4°. Nos vins ne seront point coupés, altérés, & ils soutiendront la réputation qu’ils méritent. 5°. Enfin, nous parviendrons, petit à petit, à placer directement tout notre vin ; mais comment s’y prendre ? Commençons par annoncer, dans la paroisse, que nous faisons une association, à laquelle seront admis tous les particuliers, s’ils veulent y entrer, aux conditions suivantes :

1°. Les papiers publics annonceront à Paris, & dans les autres grandes villes, que telle paroisse forme une société, afin de fournir du vin de trois qualités, à tel prix, suivant l’année ;

2°. Qu’on le rendra au lieu de sa destination, aux époques marquées ;

3°. Qu’on garantira le vin pur, franc, naturel, sans mélange, ni addition quelconque.

Voilà quels doivent être les engagemens envers le public. M. le curé, ou tel autre notable, répondra au seigneur : Vos vues sont bonnes ; mais supposons que nous parvenions à fournir le vin nécessaire aux grandes maisons de Paris, il faudra donc que la société fasse un traité particulier avec le sommelier de ces maisons ; autrement notre vin, fût-il de qualité cent fois supérieure, & capable de se conserver vingt ans, s’aigrira, poussera entre ses mains, &c.

Le Seigneur. Je sais que ceux qui fournissent le vin, donnent tant par pièce au sommelier ou au maître d’hôtel ; & ceux ci, à force de couper, de mélanger deux barriques de petite qualité, avec une de qualité supérieure, font une boisson passable, & toutes les trois sont payées au même prix par le propriétaire ; de manière que les propriétaires sont volés de plus d’un tiers, & même de moitié. S’ils veulent être volés, pillés, nous ne pouvons pas l’empêcher : attachons-nous donc à fournir des particuliers ; c’est la grande consommation, & la consommation, sans cesse renouvelée, qui fait le bénéfice. Les particuliers paient comptant, & le maître d’hôtel donne, tout au plus, des à-comptes, & renvoie d’année en année. Si on sert de grandes maisons, il ne faut faire aucun crédit : le duc, le comte, le marquis, &c. dont les affaires sont en bon ordre, paieront exactement, & ils seront très-heureux de recourir à nous, puisqu’ils économiseront au moins un tiers sur la dépense relative à cet objet, & ils seront assurés d’avoir une boisson saine, franche & naturelle. Celui, au contraire, qui demande du crédit, annonce que sa maison est mal réglée ; que les intendans, maîtres d’hôtel, sommeliers ont acquis le droit de griveler sur tout : par conséquent, nulle sureté pour nos ventes.

Le Notable. Je vois la possibilité de procurer un débouché à nos vins ; & je conviens qu’une fois connus, leur réputation sera inaltérable : mais comment sera-t-on convaincu qu’ils soient de telle paroisse, de telle association, &c. ?

Le Seigneur. Un d’entre nous sera député par la société, & portera un acte passé par-devant Notaire, signé de tous les associés, qui stipulera ; 1°. nos obligations envers le public ; 2°. qu’on doit le reconnoître, comme nous le reconnoissons, pour notre agent. 3°. Cet acte fixera le prix du vin, & la qualité. 4°. Cet agent portera avec lui des essais, dont la bouteille sera cachetée du sceau de la