Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

particulièrement si le laboureur ne fait point garder l’équilibre entre les deux leviers dont la charrue simple est composée, ou quand la variété du sol, la résistance des racines, les trop grandes pressions latérales qu’éprouve le sep, s’y opposent. La résistance perpendiculaire des obstacles enfonce la pointe du soc tout d’un coup, & exige un effort proportionnel pour le soulever. La charrue à avant-train, au contraire, est constamment soutenue dans le même angle de tirage avec le sillon ; par conséquent c’est alors la seule partie du mouvement progressif, parallèle à la ligne horizontale, qui exige la force de l’attelage.

Il est des circonstances dans le labourage, où la charrue à avant-train est d’un usage désavantageux, qui provient à la vérité de la position du terrein, & non point de la charrue elle-même : par exemple, quand on laboure en billons ou planches trop hautes & étroites, afin de prévenir les inconvéniens que la surabondance des eaux cause dans les terres fortes. Dans une pareille circonstance, l’inégalité de la surface fait changer fréquemment de position horizontale les roues de l’avant-train ; pour lors la charrue sort du plan vertical, & elle est cause que le soc coupe de côté avec des irrégularités fort considérables dans le fond du sillon : ces irrégularités, dans le labour, sont très-désavantageuses aux terres fortes, parce que les eaux s’arrêtent dans le fond de ces sillons irréguliers battus par le soc, & ne peuvent plus avoir leur écoulement : les labours suivans sont beaucoup plus difficiles, parce que l’eau s’étant évaporée, la terre qui a été pour ainsi dire pétrie, reste extrêmement dure. Un laboureur intelligent pourroit obvier à ces inconvéniens par la manière de conduire sa charrue ; mais la meilleure qualité d’un instrument doit être celle de pouvoir être employée indifféremment par toutes sortes d’ouvriers.

Le seul moyen de parer à ces inconvéniens, seroit de former des billons ou planches de trente à quarante pieds de largeur, en leur donnant une convexité régulière, de façon que le milieu des planches tombât de dix-huit à vingt-quatre pouces de hauteur : c’est ce qu’on pratique dans quelques provinces de l’Angleterre, & assez généralement dans toute la Flandre françoise. Par la convexité de ces billons ou planches, les eaux s’écoulent & se déchargent dans les rigoles qui sont au bas de chaque billon : en pratiquant cette méthode, la terre devient plus friable, elle est moins sujette aux effets de la grande sécheresse & de la grande humidité : il n’y a pas de doute qu’une terre forte qui a été long-temps sous l’eau, se pétrit & devient extrêmement dure quand l’eau s’est évaporée ; c’est ce qu’on éprouve dans toutes les manufactures de briques.

Lorsque les billons sont étroits, que leur convexité est trop considérable, comme les roues de l’avant-train changeroient fréquemment de position horizontale, & que la charrue seroit jetée à tout instant hors du plan vertical, on est absolument obligé, pour corriger cette irrégularité, de faire les roues de l’avant-train d’un diamètre inégal, pour que la plus haute se trouve