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NOTES

la pluie n’a point pénétré des traces de couleurs qui ont résisté au temps. J’ai lu aussi très-distinctement, tracés en noir sur la pierre à l’endroit où Théophile tend sa charte au démon, ces mots : Theophilus ; et à celui où la Vierge lui fait rendre son chirographe : Theophili carta. Je ferai observer que dans cette sculpture la Vierge n’est point, comme dans le Miracle de Rutebeuf, armée d’une lance : elle tient à la main une épée, dont elle menace Satan.

Dans le médaillon de l’abside, qui est placé à hauteur d’homme, presque toutes les figures sont endommagées, et avant peu d’années il deviendra probablement difficile d’y rien reconnaître. Sans s’exagérer le mérite de cette sculpture et de celles qui l’environnent, n’est-ce point ici le lieu de protester contre la déplorable insouciance qui livre sans défense aux atteintes des Vandales ou aux caprices des enfants les sculptures et les vitraux de nos cathédrales ? Pourquoi ne pas établir un gardien chargé de veiller sur chacun de nos temples ? ou plutôt pourquoi ne pas les entourer d’une grille comme on fait pour des monuments profanes ? Songeons-y : avec le régime social dans lequel nous sommes entrés, et qui, en tendant à la diffusion des lumières, tend également à celle des forces et de la fortune de l’état, élever de grands monuments devient chaque jour, même pour les grandes nations, une chose fort difficile. Sauvons donc au moins ceux qui nous restent encore, et parmi eux surtout nos anciennes églises gothiques, ne fût-ce qu’à titre de souvenir pour la foi ardente qui fit ériger par nos aïeux leurs merveilleuses tours, d’admiration pour le système d’ornements et d’architecture dans lequel sont construites leurs nefs, de respect pour le Dieu qu’elles renferment.

Je reviens au Miracle de Théophile. Il est probable que cette légende fut ciselée sur d’autres cathédrales que Notre-Dame de Paris : les imagiers la taillèrent sans doute dans le bois ou sur l’ivoire des dyptiques ; les fabricants de tapis historiés la traduisirent vraisemblablement en laine, et les peintres durent la reproduire, bien que je ne