Page:Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

embarrassée pour enjamber les fagots. Moi qui suis bonhomme et affectionné aux enfants, je lui prends les mains pour lui venir en aide ; elle me dit :

« — Ne me touchez pas, vieux sale ! »

« Elle arrache ses mains des miennes ; la secousse la fait tomber. Moi qui suis bonhomme et affectionné aux enfants, je lui pardonne sa sottise et veux la relever ; elle me détale un coup de pied en plein visage en criant :

« — Je ne veux pas qu’un paysan me touche ; laissez-moi, malpropre, grossier, dégoûtant ! »

« Ah mais ! c’est que, moi qui suis bonhomme, je commençais à ne pas être trop content. Plus je la tirais, plus elle m’agonisait de sottises, plus elle jouait des pieds et des mains.

« — Finissez, mam’selle, que je lui dis ; je suis bonhomme et j’affectionne les enfants, mais quand ils sont méchants, je les corrige, toujours par affection.

« — Osez me toucher, rustre, et vous verrez. »

« Puis la voilà qui se met à me cracher à la figure. Pour le coup, c’était trop fort ; je casse une baguette, j’empoigne la petite et je la corrige. Quand je vois qu’elle en a assez, je la pose à terre.

« — Vous voyez, mam’selle, que je lui ai dit, comme j’affectionne les enfants. Vous voilà corrigée ; je suis bonhomme, je n’ai pas été trop fort ; ne recommencez pas. »

« Elle est partie comme une flèche, et voilà. »

Le chemineau riait ; Germain était consterné. Ce chemineau, qu’il ne connaissait pas, était évi-