Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/17

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qui triomphe est plus sûre que celle qui n’a point d’assaillans ? Si l’on doute d’une puissance non éprouvée, on doit tenir pour ferme et avérée celle qui a repoussé toutes les attaques. Sachez de même que le sage est de trempe meilleure quand nulle injure ne peut lui nuire, que quand on ne lui en fait aucune. Le brave, à mes yeux, est l’homme que ni les guerres ne subjuguent, ni l’approche d’une force ennemie n’épouvante, et non celui qui s’engraisse d’oisiveté au milieu de peuples indolens. Voilà le sage, voilà l’homme sur qui l’injure est impuissante. Peu importe donc quelle multitude de traits on lui lance, s’il est impénétrable à tous. Il y a de certaines pierres dont la dureté est à l’épreuve du fer ; on ne peut ni couper, ni tailler, ni user le diamant10, qui émousse toute espèce d’outils ; il y a des corps incombustibles, qui, enveloppés de flammes, gardent leur consistance et leur figure ; des rochers, saillans en pleine mer, brisent la fureur des vagues et ne portent nulle trace des assauts qui les battent depuis tant de siècles : ainsi l’âme du sage est inexpugnable ; elle a tellement acquis de forces, qu’elle est aussi assurée contre les injures que les objets dont je viens de parler.

IV. Mais encore, n’y aura-t-il personne qui essaie de l’outrager ? — On l’essaiera, mais l’outrage n’arrivera pas jusqu’à lui. Un trop grand intervalle l’éloigne de la portée des choses inférieures, , pour qu’aucun pouvoir nuisible étende jusqu’à lui son action. Quand les puissans de la terre, quand l’autorité la plus élevée, forte de l’unanimité d’un peuple d’esclaves, tenteraient de lui porter dommage, tous leurs efforts expireraient à ses pieds, comme