Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/27

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tune qui a vaincu la mienne ! Toutes ces choses périssables et qui changent de maître, je ne sais où elles sont passées ; quant à mon véritable avoir, il est et sera toujours avec moi. Ces autres riches ont perdu leurs patrimoines ; les libertins leurs amours et les objets de leurs scandaleuses tendresses ; les intrigans le sénat, le forum et les lieux consacrés à l’exercice public de tous les vices ; l’usurier a perdu ces registres où l’avarice, dans ses fausses joies, suppute d’imaginaires richesses ; et moi, j’emporte la mienne entière, sans que personne l’ait entamée. Adresse-toi donc à ceux qui pleurent, qui se lamentent, qui, pour sauver leur or, opposent leurs corps nus aux glaives menaçans, qui fuient l’ennemi la bourse pleine. »

Reconnaissez, cher Serenus, que cet homme accompli, comblé des vertus humaines et divines, ne saurait rien perdre. Ses trésors sont environnés de fermes et insurmontables remparts, auxquels il ne faut comparer ni les murs de Babylone, où Alexandre sut pénétrer ; ni ceux de Cartilage ou de Numance : un seul bras a conquis ces deux villes ; ni le Capitole et sa citadelle : là se voient encore des vestiges ennemis. Les murailles qui défendent le sage sont à l’épreuve de la flamme et de toute incursion ; elles n’offrent point de brèche, elles sont hautes, imprenables ; elles touchent le séjour des dieux.

VII. Vous ne sauriez dire, selon votre coutume, que notre sage ne se trouve nulle part. Ce n’est pas ici une fiction vaine en l’honneur de l’humanité, ce n’est point l’image exagérée d’une grandeur chimérique, nous prouvons qu’il existe, nous l’avons peint et le peindrons toujours tel. Il est rare peut-être, et ne se ren-