Page:Sénèque - Œuvres complètes, Tome 3, édition Rozoir, 1832.djvu/396

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vices. Quand même nous ne voudrions qu’essayer d’un préservatif, la retraite nous assurera par elle-même un profit : isolés nous serons meilleurs. » Le repos, qui nous rend à nous-mêmes en nous séparant de la foule qui dérange notre vie, restitue à notre marche son égalité. Mais c’est là, objectera-t-on, prêcher dans l’école de Zénon la doctrine d’Epicure (ch. xxviii). Pour prouver qu’il ne s’écarte pas de la morale des stoïciens, l’auteur divise sa thèse en deux points : 1° On peut, dès l’âge le plus tendre, se livrer tout entier à la contemplation, se faire un plan de retraite, et s’exercer en secret à la vertu ; 2° on est encore plus en droit de le faire lorsque, parvenu à la vieillesse, on a payé sa dette à l’état (xxix) Les deux sectes de Zénon et d’Épicure mènent l’une et l’autre au repos, mais par des routes différentes. Épicure dit que le sage n’approchera point des affaires publiques, à moins d’y être obligé ; et Zénon, qu’il y prendra part, à moins que d’en être empêché. Le repos est le but principal chez le premier ; il n’est qu’une conséquence chez le second. Mais l’énumération des obstacles est fort étendue : c’est d’abord la corruption de l’état, dont l’administration est livrée aux méchans, puis, de la part du sage, le défaut d’autorité, de force, de santé, etc. Pourquoi irait-il s’embarquer sur un navire fracassé (xxx) ? Il existe deux sortes de républiques ; l’une, immense, et c’est le monde ; l’autre où le hasard nous a jetés : ce sera la république de Carthage ou celle d’Athènes. Le sage peut se borner à servir la grande république, et peut-être n’est-ce que dans la retraite qu’il peut la servir utilement. Toutefois, la nature nous a également formés pour la contemplation et pour la vie active (xxxi). L’homme est né pour la contemplation : la passion qu’il a d’apprendre ce qu’il ignore en est la preuve : cette passion est écrite dans la forme que la nature a imprimée à l’homme, en lui donnant une tête élevée, et qui se meut facilement sur un cou flexible. Je vis donc suivant la nature si je me consacre entièrement à la contemplation. Mais il faut qu’elle ait un but utile ; il faut que le sage dans la retraite se rende utile à l’humanité par les résultats de ses méditations solitaires. A ce titre, Cléanthe, Zénon et Chrysippe n’ont-ils pas rendu plus de services que s’ils avaient commandé des armées et administré l’état. Ici Sénèque, s’exhortant « à l’examen des choses sans partialité, sans cette haine implacable que sa secte a vouée à toutes