Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/400

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des biens de la fortune ? Estimez-vous plus heureux que Diogène, Démétrius, l’affranchi de Pompée, qui n’eut pas honte d’être plus opulent que son maître ? Chaque jour on lui présentait la liste de ses esclaves, comme à un général, l’effectif de son armée ; lui qui aurait dû se trouver riche avec deux substituts et un bouge moins étroit. Mais Diogène n’avait qu’un seul esclave, et qui s’échappa : on lui dit où était cet homme ; mais il ne crut pas qu’il valût la peine de le reprendre. « Il serait, dit-il, honteux pour moi que Manès pût se passer de Diogène, et que Diogène ne pût se passer de Manès. » C’est comme s’il eût dit « O fortune ! va faire ailleurs de tes tours : tu ne trouveras rien chez Diogène, qui puisse être à toi. Mon esclave s’est enfui ; que dis-je ? il s’en est allé libre. »

Une nombreuse suite d’esclaves demande le vêtement, la nourriture ; il faut remplir le ventre de tant d’animaux affamés ; il faut leur acheter des habits ; il faut avoir l’œil sur tant de mains rapaces ; il faut tirer service de tant d’êtres qui détestent et déplorent leur condition. Oh ! combien est plus heureux l’homme qui ne doit rien qu’à celui qui peut toujours refuser, c’est-à-dire à lui-même ! Nous sommes sans doute éloignés de tant de perfection : tâchons du moins de borner notre avoir, afin d’être moins exposés aux injures de la fortune. Les hommes de petite taille ont plus de facilité à se couvrir de leurs armes, que ces grands corps qui débordent le rang, et présentent de toutes parts leur surface aux blessures. La vraie mesure des richesses consiste à nous affranchir du besoin, sans nous trop éloigner de la pauvreté.

IX. Cette mesure nous plaira, si nous avons du goût pour l’é-