Page:Sénèque - Œuvres de Sénèque le philosophe, Tome 2, trad Baillard et du Bozoir, 1860.djvu/402

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la pauvreté, l’ignominie, la perte de son existence sociale doivent lui advenir, c’est un mal qui combat un autre mal. Accoutumons-nous donc à pouvoir souper sans un peuple d’assistants et de convives, à nous faire servir par moins d’esclaves, à ne porter des habits que pour l’usage qui les a fait inventer, à être logés plus à l’étroit. Ce n’est pas seulement dans les courses et dans les luttes du Cirque ; mais dans la carrière de la vie qu’il faut savoir se replier sur soi-même.

Les dépenses occasionnées par les études, et qui sont les plus honorables de toutes, ne me paraissent raisonnables qu’autant qu’elles sont modérées. Que me font ces milliers de livres, ces bibliothèques innombrables, dont, pour lire les titres, toute la vie de leurs propriétaires suffirait à peine ? Cette multiplicité des livres est plutôt une surcharge qu’un aliment pour l’esprit ; et il vaut mieux s’attacher à peu d’auteurs, que d’égarer, sur cent ouvrages, son attention capricieuse. Quatre cent mille volumes, superbe monument d’opulence royale, ont été la proie des flammes à Alexandrie. Que d’autres s’appliquent à vanter cette bibliothèque appelée par Tite-Live le chef-d’œuvre du goût et de la sollicitude des rois. Je ne vois là ni goût, ni sollicitude : je vois un luxe littéraire, que dis-je, littéraire ? ce n’étaient pas les lettres, mais l’ostentation qu’avaient eue en vue les auteurs de cette collection. Ainsi, tel homme, qui n’a pas même cette teinture des lettres qu’on exige dans les esclaves, a des livres qui, sans jamais servir à ses études, sont là pour l’ornement de sa salle à manger. Qu’on se borne donc à acheter des livres pour son usage, et non pour la montre.

Il est plus honnête, direz-vous, d’employer ainsi son argent, qu’en vases de Corinthe et en tableaux. En toutes choses l’excès