Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/14

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tune, sans en être l’esclave. On comprend, quand je ne le dirais pas, que l’homme devient à jamais tranquille et libre, quand il s’est affranchi de tout ce qui nous irrite ou nous terrifie. Car au lieu des voluptés, de ces avantages chétifs et fragiles qui flétrissent l’homme en le perdant, on trouve une satisfaction sans bornes, inébranlable, toujours égale ; alors l’âme est en paix, en harmonie avec elle-même, et réunit la grandeur à la bonté. Toute cruauté en effet vient de faiblesse.


IV. On peut encore définir autrement le bonheur tel que nous l’entendons, c’est-à-dire exprimer la même idée dans des termes différents. Tout comme la même armée tantôt se développe au large, tantôt se masse sur un terrain étroit, ou se courbe au centre en forme de croissant, ou déploie de front toute sa ligne, sans perdre de sa force, quelle que soit sa distribution, sans changer d’esprit ni de drapeau ; ainsi la définition du souverain bien peut s’allonger et s’étendre, selon les goûts divers, comme se resserrer et se réduire. Ce sera donc tout un, si je dis : « Le souverain bien, c’est une âme qui dédaigne toute chose fortuite, et qui fait sa joie de la vertu ; » ou bien : « C’est l’invincible énergie d’une âme