Page:Sénèque - De la vie heureuse.djvu/46

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bien peu pour la mollesse que ce qui suffit à la nature. D’où vient donc le mal ? De ce que ceux qui mettent le bonheur dans une oisivité nonchalante, dans les jouissances alternatives de la table et des femmes, cherchent pour une mauvaise cause un patron respectable. Ils s’en viennent, attirés par un nom qui séduit ; ils suivent, non la volupté qu’il enseigne, mais celle qu’ils lui apportent ; croyant voir dans leurs passions les préceptes du maître, ils s’y abandonnent sans réserve et sans feinte, et la débauche enfin court tête levée. Je ne dis donc pas, comme presque tous les nôtres : « La secte d’Épicure est une école de scandale ; » mais je dis : « Elle a mauvais renom ; on la diffame, sans qu’elle le mérite. » Qui peut bien connaître le temple, s’il n’est admis dans l’intérieur ? Le fronton seul donne lieu aux faux bruits et invite à une coupable espérance. Il y a là comme qui dirait un héros en habit de femme. Tu gardes les lois de la pudeur, et la dignité humaine est sacrée pour toi : ta personne ne se prête à aucune souillure, mais tu as à la main le tambour de Cybèle. Choisis donc un honnête drapeau et une devise qui par elle-même excite les âmes à repousser des vices dont l’ap-