Page:Sénèque - Tragédies (éd. Cabaret-Dupaty), 1863.djvu/167

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reçu dans une demeure étrangère, tu as perdu l'héritage de ta famille en gagnant celui d'une autre. Tu as subi l'exil sans l'avoir mérité par un attentat. Pour qu'il ne te manquât rien de la destinée de ton père, Terreur aussi a présidé à ton hymen. O mon fils, toi qui m'es rendu après une si longue absence; toi, la crainte et l'espoir de ta mère ; toi dont j'ai toujours demandé la présence aux dieux, qui se sont joués de ma tendresse ! Car lorsque ton retour devait m'ôter autant de bonheur qu'il devait m'en donner, lorsque je leur demandais quand je cesserais de craindre pour toi, ils m'ont répondu : « Tu le craindras lui-même. » Ils ont dit vrai. Sans cette guerre, je ne t'aurais pas, et sans toi je ne verrais pas celte guerre. Ta présence est pour moi une faveur cruelle et bien chèrement achetée. Mais une mère s'en contente. Seulement plus de combats tandis que le cruel Mars ne vous a poussés encore à aucun crime. C’en est un assez grand déjà d'en être venus si près. Je tremble, je frissonne en voyant deux frères en face l'un de l'autre, et à deux doigts du forfait. A cet aspect, je me sens défaillir.

Malheureuse mère ! De combien peu j'ai manqué voir un attentat plus grand que celui qui s'oppose à ce que votre infortuné père pourrait voir le vôtre ! Quoique rassurée du côté de cette horrible calamité, quoique rien désormais ne me l'annonce,