Page:Sénèque - Tragédies (éd. Cabaret-Dupaty), 1863.djvu/168

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la seule idée que j'aurais pu la voir me désole. Ô Polynice, par ces dix pénibles mois pendant lesquels je t'ai porté dans mon sein, par la vertueuse tendresse de tes sœurs, par la vengeance que ton père a exercée contre lui-même, par ces yeux qu'il s'est arrachés pour se punir d'un crime qu'il n'avait pas commis, rachetant par tin supplice affreux une simple erreur, je t'en conjure, ô mon fils, détourne des murs de ta patrie ces torches incendiaires, et ramène en arrière les drapeaux de cette armée ennemie. Songe qu'en te retirant même, ton crime est en partie consommé ; Thèbes a vu des bataillons étrangers inonder ses campagnes et faire étinceler au loin l'éclat de leurs armes ; elle a vu des coursiers fouler les prairies de Cadmus, et des chefs voler sur leurs chars rapides ; elle a vu la fumée des torches brûlantes qui doivent réduire nos maisons en cendres ; elle a vu un crime nouveau même pour ce malheureux pays, deux frères sur le point de s'entr'égorger. Toute l'armée, tous les Thébains, vos deux sœurs, votre mère ont vu ce forfait. Votre père se doit à lui-même de ne l'avoir pas vu. Pense donc à ton père, à cet Œdipe qui n'absout pas même l'erreur involontaire. Je t'en conjure, mon fils, ne porte point l'épée contre ta