Page:Sénèque - Tragédies (éd. Cabaret-Dupaty), 1863.djvu/169

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ville natale et contre le palais de tes pères ; ne détruis point cette Thèbes où tu veux régner. Quel délire s'est emparé de toi ? Tu perds ta patrie en voulant la posséder, et tu l'anéantis pour quelle t'appartienne. Que dis-je ? Ne sens-tu pas le tort que tu le fais à toi-même en portant le fer et la flamme dans nos plaines, en ravageant nos moissons presque mûres, en dépeuplant nos campagnes ? Qui jamais a détruit ainsi ses propres biens ? Ces maisons que tu veux brûler, ces campagnes que tu livres au tranchant du fer, tu ne les crois donc pas à toi ? Décidez entre vous deux qui sera roi ; mais respectez le royaume où vous voulez régner.

Eh quoi ! Tu veux porter le fer et le feu dans ces palais ? Tu aurais le courage d'ébranler les murs d'Amphion, qui ne sont point l'ouvrage de ces machines qui crient sous le fardeau qu'elles élèvent, mais dont chaque pierre est venue se placer d'elle-même jusqu'au sommet des tours, aux accords de la lyre et de la voix ? Vainqueur, tu oserais briser ces marbres, emporter nos dépouilles, et emmener captifs des chefs aussi vieux que ton père ? Tes barbares soldats arracheraient les femmes aux bras de leurs époux, et les entraîneraient chargées de fers ? Confondues avec des prisonniers, les jeunes Thébaines deviendraient esclaves des