Page:Sénèque - Tragédies (éd. Cabaret-Dupaty), 1863.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

femmes d'Argos ? Moi-même enfin, ta mère, me liera-t-on aussi les mains derrière le dos pour me promener comme un trophée de ta victoire sur ton frère ? Peux-tu assister avec joie au massacre de tes concitoyens ? Peux-tu pousser l'ennemi contre nos chers remparts, et faire de Thèbes un théâtre de carnage et d'incendie ? Si ton cœur est si dur, si cruel et si altéré de vengeance, aujourd'hui que tu ne règnes pas encore, que sera-ce donc, le sceptre en main ? Je t'en conjure, ô mon fils, calme cette fureur insensée, et reviens à des sentiments plus doux.


Polynice. — Quoi ! Pour errer toujours ? Pour être sans patrie et réduit à mendier les secours d'un peuple étranger ? Quel autre châtiment subirais-je si j'avais trahi ma foi, si j'étais parjure ? Je porterai donc la peine de la perfidie d'autrui, et mon frère jouira du fruit de ses crimes ? Vous me dites de m'éloigner. Je suis prêt à vous obéir ; mais donnez-moi un asile. Pour laisser mes États à mon orgueilleux frère, je consens à n'habiter qu'une pauvre cabane ; mais encore faut-il me la donner, encore faut-il qu'en échange d'un empire je trouve ce modeste refuge. Livré à mon épouse, j'aurai donc à subir la tyrannie d'une femme heureuse, à me traîner humblement, comme un esclave, à la suite de mon beau-père ? Tomber du trône dans les fers, c'est une chute insupportable.


Jocaste. — Si tu veux régner, si ta main ne peut se passer d'un