Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/22

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A l’aspect de Cerbère, j’ai vu le jour défaillir et le soleil trembler. Moi-même j’en ai pâli, et, à la vue des trois têtes de ce monstre vaincu, je me suis repentie de mes ordres.

Mais ce sont là de trop faibles sujets de plainte : il faut craindre pour le ciel même. Vainqueur des divinités infernales, il pourrait triompher aussi de celles d’en haut. 11 ravira le sceptre à son père. Au lieu de s’élever lentement jusqu’au ciel, comme Bacchus, il s’en ouvrira la route à travers des ruines, et voudra régner seul dans l’Olympe après en avoir chassé les dieux. C’est l’épreuve de sa force qui lui donne cet excès d’audace : en portant le ciel, il s’est reconnu assez fort pour le vaincre. Sa tête s’est tenue ferme sous le monde, et ses épaules n’ont point fléchi sous cet immense fardeau. Le firmament avec tous ses astres, et moi-même qui le pressais de tout mon poids, a reposé sur Hercule sans l’ébranler. Il cherche à envahir le ciel. Poursuis, ô ma colère ! poursuis : frappe-le au milieu de ces vastes projets. Lutte contre lui ; déchire-le de tes propres mains. Pourquoi déléguer une si forte haine ? Laisse là tous les monstres ; laisse là Eurysthée et ses ordres impuissants. Déchaîne contre ton ennemi les Titans qui osèrent attaquer Jupiter lui-même. Ouvre la prison de l’Etna. Que la terre de Doris qui pèse sur l’effroyable géant le repousse