Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/26

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appât à son hameçon trompé ; ou, penché sur l’onde, il suit d’une main attentive la proie qu’il va saisir, et qui courbe la ligne en se débattant Telle est la vie innocente et paisible que mènent ceux qui se contentent du peu qu’ils possèdent, et qui bornent leurs désirs à leur champêtre horizon.

Mais l’ambition inquiète et les funestes alarmes nous assiègent en foule au sein des villes. L’un se prive du sommeil pour occuper le seuil du palais des rois, et frapper à ses portes insensibles ; l’autre, dévoré de la soif des richesses, entasse des trésors sans fin, et reste pauvre sur des monceaux d’or. Celui-ci s’enivre de la faveur populaire, et se repaît des vains applaudissements d’une multitude plus inconstante que les flots ; celui-là, trafiquant des luttes orageuses du barreau, se fait un honteux revenu de ses paroles et de ses emportements oratoires. Il en est peu qui connaissent le prix du repos, et qui, songeant à la brièveté de la vie, sachent profiter d’un temps qui ne doit plus revenir.

Pendant que les Destins le permettent, vivez heureux. Le temps s’enfuit à tire d’aile, et le cercle du jour entraîne rapidement celui de l’année. Les cruelles sœurs travaillent sans relâche, et