Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/6

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tilien, elle le fut avec un grand succès ; il ne craint pas d’égaler le Thyeste de Varius et la Médée d’Ovide aux chefs-d’œuvre de la Melpomène grecque. Pollion ainsi que Mécène s’exerçaient dans ce genre d’ouvrage. Auguste lui-même ne dédaignait pas de s’y essayer ; il avait commencé un Ajax ; ses amis lui demandant un jour ce que faisait son Ajax : « Mon Ajax, répondit-il, s’est précipité sur une éponge, » indiquant par cette allusion à la mort d’Ajax, qu’il avait détruit son œuvre. A l’exemple du maître, tous composaient des tragédies :

Scribimus indocti doctique poemata passim.

Ce fut surtout pour arrêter celte contagion de fièvre dramatique, pour la régler du moins et la tempérer, qu’Horace composa son Art poétique. Malgré cette émulation, la tragédie latine réussit difficilement auprès du peuple ; est-ce parce que, ne choisissant pas ou choisissant bien rarement des sujets nationaux, elle ne faisait pas vibrer assez puissamment au cœur des spectateurs les fibres romaines ? ou bien, ces durs enfants de Romulus, peu ouverts, quoi qu’on fit, aux plaisirs purs de l’intelligence et de l’imagination, manquaient-ils de cette sensibilité qui s’intéresse aux plaisirs et aux émotions de la scène ? Je ne sais ; mais Horace déjà nous apprend combien les spectacles matériels qui parlaient aux yeux trouvaient dans le peuple plus de faveur que les représentations théâtrales qui se devaient apprécier par l’esprit. Quoi qu’il en soit, la tragédie alla perdant chaque jour du terrain, affaiblie qu’elle était et par cette indifférence