Page:Sénèque - Tragédies de Sénèque, trad Greslou, ed 1863.djvu/90

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pendre au-dessus de sa tête des mets innombrables, mais plus fugitifs que les Harpies. De chaque côté s’inclinent les branches d’un arbre dont les fruits se balancent autour de sa bouche béante. Malgré l’impérieux besoin qui le presse, déçu tant de fois, il ne cherche plus à saisir ces aliments perfides ; il détourne les yeux, pince ses lèvres et serre ses dents pour renfermer en lui-même la faim qui le dévore. Mais alors tous les arbres étalent plus près de lui leurs richesses, et leurs fruits se jouent mollement sur les rameaux flexibles. Ses désirs s’en irritent et ses mains se remettent à l’œuvre. A peine les a-t-il étendues pour éprouver une nouvelle déception, que tous ces trésors de l’automne et les arbres mêmes ont disparu. Une soif non moins implacable que sa faim le saisit à son tour. Quand elle a enflammé son sang et embrasé sa gorge, il se penche sur les eaux qui l’entourent. Mais l’onde s’enfuit et son lit se dessèche. Le malheureux veut en vain la poursuivre : il ne peut avaler que l’aride poussière qu’elle a laissée derrière elle.