petit pas admirable qu’elle y avait fait sur le bord du théâtre. »
« Il y avoit, lui dit-elle, quatre personnes avec feu Madame,
que des siècles entiers auront peine à remplacer et pour la
beauté, et pour la belle jeunesse et pour la danse. Oh ! quelles
bergères ! et quelles Amazones[1] ! » Telle était sa perpétuelle
admiration des perfections de sa fille. Elle raffolait « de cette
danse et de cette grâce parfaite qui lui allaient droit au cœur[2]. »
Si, depuis qu’elle fut séparée de sa fille, elle se trouvait à quelque bal, elle « mourait d’envie d’y pleurer et quelquefois en
passait son envie[3]. » Et il n’était pas étonnant qu’un tendre
souvenir renouvelât les larmes, qu’elle ne pouvait déjà retenir
quand sa fille était encore la et qu’elle la contemplait avec ravissement : « Vous souvient-il quand vous me faisiez rougir
les yeux à force de bien danser[4] ? » Un jour elle voit danser
des Bohêmes. La danse charmante d’une jolie petite fille qu’ils
avaient avec eux, son air, sa taille lui rappellent sa fille ; et voilà
qu’elle la prend en amitié et qu’elle écrit à Vivonne pour lui
recommander le grand—père de la petite Bohême, galérien à
Marseille[5].
Le souvenir de cette gracieuse Esmeralda, qui avait le bonheur de ressembler à la belle comtesse, se conserva au château de Grignan, dont une chambre reçut le nom de chambre de la Bohémienne. On y voyait un portrait de madame de Grignan en costume bohémien.
Madame de Sévigné eut encore la joie, l’année suivante, de voir sa fille danser de nouveau dans le même ballet avec les mêmes bergères et les mêmes Amazones. Il y eut aussi, au mois de février 1664, un autre triomphe de mademoiselle de Sévigné sur ce théâtre de la cour. Dans la neuvième entrée du ballet des Amours déguisés, elle représentait un amour déguisé en nymphe maritime, à côté de mademoiselle d’Elbeuf, de madame de Vibraye et de madame de Montespan. Monsieur y parut en dieu marin, ainsi que le marquis de Rossan et le marquis de Villeroy, ce jeune favori de Louis XIV , que sa belle