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NOTICE BIOGRAPHIQUE


Comtat. » Après quelques jours passés à Chaulnes, chez la gouvernante de Bretagne, elle partit, vers la fin d’avril, avec elle et avec madame de Kerman (mademoiselle de Murinais), femme aimable et spirituelle, qu’elle avait surnommée la Murinette beauté, et qui était une de ses anciennes amies, comme une de celles de la duchesse de Chaulnes. Elle arriva le 10 mai à Rennes, où elle retrouva son fils et sa belle-fille. Ils l’accompagnèrent aux Rochers, où elle était impatiente de se reposer et qu’elle revit le 25 mai. Sévigné se trouvait plus heureux que jamais d’y tenir compagnie à sa mère, d’y faire avec elle d’agréables promenades et de bonnes lectures. Son amour de la vie tranquille n’avait fait que s’accroître. Malheureusement la guerre, à laquelle il avait renoncé, n’avait pas aussi complétement renoncé à lui. Il s’attendait chaque jour à recevoir des ordres qui viendraient l’arracher à sa douce solitude. La crainte que l’on avait de descentes du prince d’Orange sur nos côtes couvrait la France d’armements. Les arrière-bans étaient partout convoqués. En Bretagne, où le corps de la noblesse pour l’arrière-ban était nombreux et magnifique, cinq ou six cents gentilshommes de Rennes et de Vitré choisirent Sévigné pour les commander. Quel que fût le désespoir du bon anachorète, un tel honneur n’était point pour être refusé. Il se résigna, en maudissant le prince d’Orange, qui venait le chercher dans ses bois, et l’effroyable dépense du commandement qu’on lui déférait. Après trois ou quatre semaines passées près de sa mère, qui ne craignait pas moins que lui son départ et de perdre « son liseur infatigable, » les ordres redoutés arrivèrent. Le 25 juin, il alla à Rennes prendre le commandement du noble régiment dont il était colonel, et, en attendant qu’il eût à le faire marcher, tenir une grande table, dont la dépense désolait sa mère. « Ce sera peut-être, disait-elle, toute la guerre. » Elle parlait bien. L’arrivée à Brest de Tourville, dont l’escadre, forte de vingt-deux vaisseaux, opéra heureusement, le 30 juillet, sa jonction avec la flotte qui y était rassemblée sous les ordres de Seignelai et de Château-Regnault, mit les côtes de Bretagne en sûreté, et permit de séparer la noblesse. Les travaux guerriers de Sévigné étaient finis encore une fois, et pour toujours.

Jamais l’amitié de M. et madame de Chaulnes pour madame