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faudra seulement que changer de ton. Enfin, nous verrons en ce temps-là.

En attendant, je trouve que les moindres ressources des maisons comme la vôtre sont considérables. Si vous vendez votre terre, songez bien comme vous en emploierez l’argent ; ce sont des coups de partie. Nous en avons vendu une petite où il ne venait que du bled[1], dont la vente me fait un fort grand plaisir et m’augmente mon revenu. Si vous rendez M. de Grignan capable d’entrer dans vos bons sentiments, vous pourrez vous vanter d’avoir fait un miracle qui n’étoit réservé qu’à vous. Mon fils est encore un peu loin d’entrer sur cela dans mes pensées. Il est vrai qu’il est jeune, mais ce qui est fâcheux, c’est que quand on gâte ses affaires, on passe le reste de sa vie à les rapsoder, et l’on n’a jamais ni de repos, ni d’abondance.

J’avois fort envie de savoir quel temps vous aviez en votre Provence, et comme vous vous accommodez des punaises. Vous m’apprenez ce que j’avois dessein de vous demander. Pour nous, depuis trois semaines, nous avons eu des pluies continuelles ; au lieu de dire, après la pluie vient le beau temps, nous disons, après la pluie vient la pluie. Tous nos ouvriers en ont été dispersés ; Pilois en étoit retiré chez lui, et au lieu de m’adresser votre lettre au pied d’un arbre, vous auriez pu me l’adesser au coin du feu, ou dans le cabinet de notre abbé, à qui j’ai plus que jamais des obligations infinies. Nous avons ici beaucoup d’affaires ; nous ne savons encore si nous fuirons les états, ou si nous les affronterons. Ce qui est certain, ma bonne, et dont je crois que vous ne douterez pas, c’est que nous sommes bien loin d’oublier cette pauvre exilée. Hélas ! qu’elle nous est chère et précieuse ! Nous en

  1. Ces mots sont soulignés dans l’original.