Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/133

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sur Brest, qu’encore que vous en sachiez peut-être autant que moi, je veux vous le redire. M. le maréchal d’Estrées étoit embarqué dans son vaisseau, tous ses ordres donnés, plus rien sur terre : il a reçu un ordre du Roi de revenir à Brest, et d’y demeurer à cause de l’importance de la place, et du besoin de sa présence[1]. M. de Seignelai est embarqué ; il est chargé de l’exécution de toute cette grande affaire13 ; Château-Regnault est avec lui ; ils at-

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  1. 12. La conduite que l’on tint alors avec le maréchal d’Estrées est le résultat d’une intrigue, dont Mme de la Fayette révèle le secret. Lauzun, ne pouvant se rapprocher du Roi par Louvois, essaya de plaire à Mme de Mamtenon, qui haïssait ce ministre. Il persuada à la reine d’Angleterre que l’affaire d’Irlande serait mieux entre les mains de Seignelai que dans celles de Louvois. La reine le demanda à Louis XIV, et elle l’obtint. Seignelai se rendit à Brest ; il était porteur d’une lettre pour le maréchal d’Estrées, par laquelle le Roi lui marquait « qu'êtant informé des desseins des ennemis, il le croyoit plus nécessaire à commander le long des côtes les troupes qu’il avoit, qu' a commander l’armée navale. » Le maréchal en conçut un vif chagrin, mais il soutint ce coup avec dignité. Le commandement de l’escadre fut donné au comte de Tourville, « dont la dignité, le mérite et la naissance étoient fort inférieurs au maréchal, mais un homme soumis, qui de tout temps avoit été des plaisirs de M. de Seignelai et qui étoit le seul homme de la marine pour qui il eut une sorte de confiance et d’amitié. » Voyez les Mémoires de la cour de. France, par Mme de la Fayette, tome LXV, p. 109 et suivantes. (Note de l’édition de 1818.)
  2. 13. « Déjà le maréchal d’Estrées était à son bord (dans la rade de Brest), prêt à sortir et n’attendant qu’un ordre de la cour pour livrer bataille, lorsqu’il vit arriver, au lieu du courrier qu’il attendait, Seignelai lui-même. Le secrétaire d’État de la marine avait quitté Versailles le 3 juillet. Ambitieux, ardent, l’imagination montée par des rêves de gloire, que le bombardement de Gênes n’avait pas satisfaits, le fils de Colbert avait repris, en l’agrandissant, un projet recommandé par Louvois l’année précédente, la jonction des flottes de 1 'Océan et de la Méditerranée. En vertu de sou titre, le maréchal d’Estrées aurait dû prendre le commandement suprême au-dessus de Tourville, qui venait de Toulon, et de Château-Regnault, qui était à Brest ; mais comme on jugeait, avec quelque raison d’ailleurs, !e génie du maréchal inférieur à celui de ses lieutenants, et comme il