Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/407

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mais dans ma jeunesse j’eusse été transportée d’une pareille aventure ; ce n’est point la même chose pour vous, tout vous sied bien; jouissez, donc de votre privilége, et de la jalousie que vous donnez pour savoir à qui vous aura. Je ne m’amuserai point à raisonner avec vous sur les affaires présentes. Toutes les prospérités de M. le duc de Chaulnes m’ont causé une joie sensible ; vous craignez justement ce qu’appréhendent ses amis, c’est qu’étant seul capable de remplir la place qu’il occupe avec tant de succès et de réputation, on ne l’y laisse trop longtemps. Cet appartement dans votre nouveau palais[1] donne de nouvelles craintes; mais faisons mieux, n’avançons point nos chagrins : espérons plutôt que tout se tournera selon nos désirs, et que nous nous retrouverons tous à Paris. J’ai été transportée de votre souvenir, de votre lettre, de vos chansons ; écrivez-moi par les voies douces et commodes, je prends la liberté d’envoyer celle-ci par Madame l’ambassadrice; et je fais bien plus, mon cher cousin, car sous votre protection, je prends la liberté aussi d’embrasser avec une véritable tendresse, sans préjudice du respect, mon cher gouverneur de Bretagne et Monsieur l’ambassadeur : toutes ses grandes qualités ne me font point de peur ; je suis assurée qu’il m’aime toujours ; Dieu le conserve et le ramène ! voilà mes souhaits pour ta nouvelle année. Adieu, mon très-cher, je vous embrasse, aimez-moi toujours, je le veux, c’est ma folie, et de vous aimer plus que vous ne m’aimez ; mais vous


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MME DE Sévigné. ix ag

  1. 5. Le duc de Chaulues descendit d’abord à Rome au palais du cardinal d’Estrées : voyez ci-dessus, p. 265, la note 24 de la lettre du 19 octobre 1689. Lorsque le Roi eut renoncé à la franchise des quartiers, l’ambassadeur alla s’établir, le 12 novembre 1689, dans le palais Bigassini, autrefois Frangipani, l’un des plus beaux de Rome, situé sur la place Saint-Marc. IL fit placer, suivant l’usage, ses armes sur la porte, au-dessous de celles de France et de celles du pape. Voyez les Mémoires de Coulanges, p. 161. (Note de l'Édition de 1818.)