Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/569

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niais que sous ce nom que nous nous procurons des maux. II me semble que si j’avois toujours été le chef de votreconseil, vous n’auriez jamais pris de fausses mesures[1]. Vous êtes trop bon. Mais que dis-je? j’oublie ma chère Providence et je ne songe pas que vous étiez destiné à ces sortes de tribulations. Ainsi, mon pauvre ami, il n’y a point d’autre parti à prendre que de les souffrir chrétiennement : c’est tout l’usage qu’on en doit faire; car il faut profiter de tout pour l’éternité. J’ai fait ici des lectures admirables, qui m’ont donné une telle foi, que si mon cœur étoit aussi touché que mon esprit est convaincu, je serois une sainte.

Je suis toujours persuadée que quand vous aurez remis votre petit poussin[2] sous les ailes de son brave père, vous rentrerez dans le giron de cette tribu de Grignan, où vous êtes fort aimé. Je ne puis vous rien dire de moi, ni de mon retour. Je ne veux plus parler aussi des dragons ce sont des démons, ils ont le diable au corps; mais je suis en furie contre le Mercure galant, qui loue tous ceux qui ont été à cette bataille[3], je dis même des louanges sans distinction et il ne dit pas un seul mot du chevalier de Pompone cela n’est pas naturel; il y paroît de l’affectation, car personne ne peut avoir mérité plus de louanges que lui, et puisque le Roi lui a bien fait l’honneur de lui en donner, le Mercure galant pouvoit bien suivre cet exemple. Je jetterai le livre, et je ne pardon-



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  1. LETTRE 1296. --1. Voyez ci-dessus, p. 353 et 354, la lettre du 14 décembre 1689.
  2. 2. Le jeune comte de Vins.
  3. 3. Le Mercure galant avait donné à la fin de juillet, dans un volume à part, une relation détaillée de la bataille de Fleurus, dans laquelle est rapportée (p. 65) la belle action des dragons de Pompone, mais sans nulle mention de leur brave commandant. A la suite du récit, on lit une longue et fort élogieuse énumératîon des officiers qui se sont le plus distingués.