Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/153

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Condom[1] l’abbaye de Rebais qu’avait l’abbé de Foix : le pauvre homme ! On prend ici le deuil de M. le duc d’Anjou : si je demeure aux états, cela m’embarrassera. Notre abbé ne peut quitter sa chapelle ; ce sera notre plus forte raison ; car, pour le bruit et le tracas de Vitré, il me sera bien moins agréable que mes bois, ma tranquillité et mes lectures. Quand je quitte Paris et mes amies, ce n’est pas pour paraître aux états : mon pauvre mérite, tout médiocre qu’il est, n’est pas encore réduit à se sauver en province, comme les mauvais comédiens. Ma fille, je vous embrasse avec une tendresse infinie ; la tendresse que j’ai pour vous occupe mon âme tout entière ; elle va loin, et embrasse bien des choses, quand elle est au point de la perfection. Je souhaite votre santé plus que la mienne ; conservez- vous, ne tombez point. Assurez M. de Grignan de mon amitié, et recevez les protestations de notre abbé.


59. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À M. DE COULANGES.

Aux Rochers, le 22 juillet 1671.

Ce mot sur la semaine est par-dessus le marché de vous écrire seulement tous les quinze jours, et pour vous donner avis, mon cher cousin, que vous aurez bientôt l’honneur de voir Picard ; et comme il est frère du laquais de madame de Coulanges, je suis bien aise de vous rendre compte de mon procédé. Vous savez que madame la duchesse de Chaulnes est à Vitré ; elle y attend le duc, son mari, dans dix ou douze jours, avec les états de Bretagne : vous croyez que j’extravague ; elle attend donc son mari avec tous les états, et, en attendant, elle est à Vitré toute seule, mourant d’ennui. Vous ne comprenez pas que cela puisse jamais revenir à Picard. Elle meurt donc d’ennui ; je suis sa seule consolation, et vous croyez bien que je l’emporte d’une grande hauteur sur mademoiselle de Kerbone et de Kerqueoison. Voici un grand circuit, mais pourtant nous arriverons au but. Comme je suis donc sa seule consolation, après l’avoir été voir, elle viendra. ici, et je veux qu’elle trouve mon parterre net et mes allées nettes, ces grandes allées que vous aimez. Vous ne comprenez pas encore où cela peut aller ; voici une autre petite proposition incidente : vous savez qu’on fait les foins ; je n’avais point d’ouvriers ; j’envoie dans cette prairie, que les poètes ont célébrée, prendre tous ceux qui

  1. Jacques-Bénigne Bossuet.