Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/155

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c’était elle pourtant, qui m’amenait Pomenars, qui en arrivant à Vitré lui avait mis dans la tête de me venir surprendre. La Murinette beauté était de la partie, et la gaieté de Pomenars était si extrême, qu’il aurait réjoui la tristesse même : ils jouèrent d’abord au volant ; madame de Chaulnes y joue comme vous ; et puis une légère collation, et puis nos belles promenades, et partout il a été question de vous. J’ai dit à Pomenars que vous étiez fort en peine de toutes ses affaires, et que vous m’aviez mandé que, pourvu qu’il n’y eût que le courant, vous ne seriez point en inquiétude ; mais que tant de nouvelles injustices qu’on lui faisait vous donnaient beaucoup de chagrin pour lui : nous avons fort poussé cette plaisanterie, et puis cette grande allée nous a fait souvenir de la chute que vous y fîtes un jour ; la pensée m’en a fait devenir rouge comme du feu. On a parlé longtemps là-dessus, et puis du dialogue bohème, et puis enfin de mademoiselle du Plessis, et des sottises qu’elle disait, et qu’un jour vous en ayant dit une, et son vilain visage se trouvant auprès du vôtre, vous n’aviez pas marchandé, et lui aviez donné un soufflet pour la faire reculer ; et que moi, pour adoucir les affaires, j’avais dit : Mais voyez comme ces petites filles se jouent rudement ; et que j’avais dit à sa mère : Madame, ces jeunes créatures étaient si folles ce matin, qu’elles se battaient : mademoiselle du Plessis agaçait ma fille, ma fille la battait ; c’était la plus plaisante chose du monde ; et qu’avec ce tour, j’avais ravi madame du Plessis, de voir nos petites filles se réjouir ainsi. Cette camaraderie de vous et de mademoiselle du Plessis, dont je ne faisais qu’une même chose pour faire avaler le soufflet, les a fait rire à mourir. La Murinette vous approuve fort, et jure que la première fois qu’elle viendra lui parler dans le nez, comme elle fait toujours, elle vous imitera, et lui donnera sur sa vilaine joue. Je les attends tous présentement : Pomenars tiendra bien sa place ; mademoiselle du Plessis viendra aussi ; ils me montreront une lettre de Paris faite à plaisir, où l’on mandera cinq ou six soufflets donnés entre femmes, afin d’autoriser ceux qu’on veut lui donner aux états, et même de les lui faire souhaiter pour être à la mode. Enfin je n’ai jamais vu un homme si fou que Pomenars : sa gaieté augmente en même temps que ses affaires criminelles ; s’il lui en vient encore une, il mourra de joie. Je suis chargée de mille compliments pour vous ; nous vous avons célébrée à tout moment. Madame de Chaulnes dit qu’elle vous souhaiterait une madame" de