Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/184

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s’élève ! Je crains de l’avoir vue dans ces quadrilles ; je ne m’en souviens pourtant pas précisément ; mais je la trouve si jolie, que je ne crois point qu’elle vienne de moi. Je me souviens d’avoir vu dans un livre, au sujet d’un amant qui avait été assez hardi pour se déclarer, une fusée en l’air, avec ces mots : Da l’ardore l’ardire [1] : elle est belle, mais ce n’est pas cela. Je ne sais même si celle que je voudrais avoir faite est dans la justesse des devises ; je n’ai aucune lumière là-dessus ; mais en gros elle m’a plu ; et si elle était bonne, et qu’elle se trouvât dans les quadrilles ou dans un cachet, ce ne serait pas un grand mal ; il est difficile d’en faire de toutes nouvelles. Vous m’avez entendu mille fois ravauder sur ce demi-vers du Tasse, que je voulais employer à toute force, Faite non temo : j’ai tant fait, que le comte des Chapelles a fait faire un cachet avec un aigle qui approche du soleil, Faite non temo[2] ; il est joli. Ma pauvre enfant, peut-être que tout cela ne vaut rien ; et je ne m’en soucierais guère, pourvu que vous vous portiez bien.


75. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 15 novembre 1621.

Quand je vous ai demandé si vous n’aviez point jeté mes dernières lettres, c’était un air ; car de bonne foi, quoiqu’elles ne méritent pas tout l’honneur que vous leur faites, je crois qu’après avoir gardé celles que je vous écrivais quand vous faisiez des poupées, vous garderez encore celles-ci : mais il n’y a plus de cassettes capables de les contenir : hélas ! il faudra des coffres.

Je ne crois pas qu’il y ait rien de plus plaisant que ce que vous dites -du nom d’Adhémar. Enfin la seule rature de ses lettres, c’est à la signature[3]. Je suis bien empêchée pour le nom du régiment ; je vous en ai mandé mon avis. Vous savez comme je suis pour Adhèmar, et que je voudrais le maintenir au péril de ma vie [4] ; mais je crains que nous ne soyons pas les plus forts. Pour la devise[5], elle est jolie :

  1. Ma hardiesse vient de mon ardeur.
  2. Je ne crains pas de m’élever.
  3. Le chevalier de Grignan avait pris depuis peu le nom d’Adhémar, et il n’avait pas encore l’habitude de le signer.
  4. Le régiment dont il s’agit était un de ceux qu’on nommait, dans la cavalerie, régiments des gentilshommes, et qui portaient le nom des colonels.
  5. Le corps de cette devise était une fusée volante.