Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/194

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très-sérieusement de vous faire ses compliments, et de vous dire la joie qu’il avait de votre joli accouchement : il appuya sur cela d’une telle sorte, qu’il ne tint qu’à moi d’entendre qu’il voulait s’attacher à votre service, étant las, comme on dit, d’adorer range (madame de Grancey) : je fis de telles offres le cas que je devais. Je trouvai Madame mieux que je ne pensais, mais d’une sincérité charmante. Je ne pus voir M. de Montausier ; il était enfermé avec Monseigneur. Je ne finirais jamais de vous dire tous les compliments qu’on me fit, et à vous aussi ; et de tout cela, autant en emporte le vent : on est ravi de revenir chez soi. Madame de Richelieu me parut abattue ; elle fera réponse à M. de Grignan ; les fatigues de la cour ont rabaissé son caquet ; son moulin me parut en chômage. Mais qui pensez-vous qu’on trouve chez moi ? des Provençaux ; ils m’ont tartufiée. De quoi parle-t-on ? de madame de Grignan ; qui est-ce qui entre dans ma chambre ? votre petite : vous dites qu’elle me fait souvenir de vous, c’est bien dit ; vous voulez bien au moins que je vous réponde qu’il n’est pas besoin de cela. Je monte en carrosse, où vais-je ? chez madame de Valavoire ; pour quoi faire ? pour parler de Provence, de vos affaires et de vos commissions que j’aime uniquement. Enfin Coulanges disait l’autre jour : Voyez-vous bien cette femme-là ? Elle est toujours en présence de sa fille. Vous voilà en peine de moi, ma bonne, vous avez peur que je ne sois ridicule ; non, ne craignez rien ; on ne peut l’être avec une si agréable folie ; et de plus, c’est que je me ménage selon les lieux, les temps, et les personnes avec qui je suis ; et l’on jurerait quelquefois que je ne songe guère à vous : ce n’est pas, où je suis le plus en liberté.

Je reçois votre lettre du 30 : vous me déplaisez, mon enfant, en parlant, comme vous faites, de vos aimables lettres : quel plaisir prenez-vous à dire du mal de votre esprit, de votre style ? à vous comparer à la princesse d’Harcourt[1] ? Où pêchez-vous cette fausse et offensante humilité ? Elle blesse mon cœur, elle offense la justice, elle choque la vérité ; quelles manières ! ah, ma bonne ! changez-les, je vous en conjure, et voyez les choses comme elles sont : si cela est, vous n’aurez plus qu’à vous défendre de la vanité, et ce sera une affaire à régler entre votre confesseur et vous. Votre maigreur me tue : hélas ! où est le temps que vous ne mangiez

  1. Fille du duc de Brancas le distrait.