Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/260

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relie ; que jamais il n’avait eu de sensible joie ou de violente dou« leur que par ce fils, qui avait des choses admirables. Il se jeta sur un lit, n’en pouvant plus, mais sans pleurer, car on ne pleure point dans cet état. Le père pleurait, et n’avait encore rien dit ; enfin il lui parla de Dieu, comme vous savez qu’il en parle : ils furent six heures ensemble ; et puis le père, pour lui faire faire son sacrifice entier, le mena à l’église de ces bonnes Capucines, où l’on disait vigiles pour ce cher fils : le maréchal y entra, en tombant, en tremblant, plutôt traîné et poussé, que sur ses jambes ; son visage n’était plus connaissable. M. le Duc le vit en cet état, et en nous le contant chez madame de la Fayette, il pleurait. Ce pauvre maréchal revint enfin dans sa petite chambre ; il est comme un homme condamné ; le roi lui a écrit ; personne ne le voit. Madame de Monaco est entièrement inconsolable ; madame de Louvigny l’est aussi, mais c’est par la raison qu’elle n’est point affligée : n’admirez- vous point le bonheur de cette dernière ? la voilà dans un moment duchesse de Gramont. La chancelière est transportée de joie. La comtesse de Guiche fait fort bien ; elle pleure quand on lui conte les honnêtetés et les excuses que son mari lui a faites en mourant. Elle dit : « Il était aimable, je l’aurais aimé passionnément s’il m’avait un peu aimée ; j’ai souffert ses mépris avec « douleur ; sa mort me touche et me fait pitié ; j’espérais toujours « qu’il changerait de sentiments pour moi. » Voilà qui est vrai, il n’y a point là de comédie. Madame de Verneuil en est véritablement touchée. Je crois qu’en me priant de lui faire vos compliments, vous en serez quitte. Vous n’avez donc qu’à écrire à la comtesse de Guiche, à madame de Monaco, et à madame de Loûvigny. Pour le bon d’Hacqueville, il a eu le paquet d’aller à Frazé, à trente lieues d’ici, annoncer cette nouvelle à la maréchale de Gramont, et lui porter une lettre de ce pauvre garçon, lequel a fait une grande amende honorable de sa vie passée, s’en est repenti, en a demandé pardon publiquement ; il a fait demander pardon à Var* des, et lui a mandé mille choses qui pourront peut-être lui être bonnes. Enfin il a fort bien fini la comédie, et laissé une riche et heureuse veuve. La chancelière a été si pénétrée du peu ou point de satisfaction, dit-elle, que sa petite-fille a eu pendant son majiage, qu’elle ne va songer qu’à réparer ce malheur : et s’il se rencontrait un roi d’Ethiopie, elle mettrait jusqu’à son patin, pour lui donner sa petite-fille. Nous ne voyons point de mari pour elle ;