Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/317

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du roi lui résiste : jamais il n’en fut une si fixe. Elle dissipa, l’année passée, cette grande flotte ; elle fait mourir le prince de Lorraine ; elle renvoie Montecuculli chez ses parents, et fera la paix par le mariage du prince Charles. Je disais F autre jour cette dernière chose à madame de ïarente ; elle me dit qu’il était marié à Timpératrice douairière : quoique cette noce n’ait pas éclaté, elle ne laisserait pas d’empêcher l’autre ; vous verrez que cette impératrice mourra, si sa vie fait un inconvénient. Votre raisonnement est d’une telle justesse sur les affaires d’État, qu’on voit bien que vous êtes devenue politique dans la place où vous êtes. J’ai écrit à la belle princesse de Vaudemont ; elle est infortunée, et j’en suis triste, car elle est très-aimable : Je n’osais écrire à madame de Lillebonne ; mais vous m’avez donné courage. Je crains que vous n’ayez pas le petit Coulanges ; sa femme m’écrit tristement de Lyon, et croity passer l’hiver : c’est une vraie trahison pour elle, quede n’être pas à Paris : elle me mande que vous avez au un assez grand commerce. La Trousse est à Paris et à la cour, accablé d’agréments et de louanges ; il les reçoit d’une manière à les augmenter : on dit qu’il aura la charge de Froulai ; si cela était, il y aurait un mouvement dans la compagnie, et je prie notre d’Hacqueville d’y avoir quelque attention pournotre pauvre guidon, qui se meurt d’ennui dans le guidonnage ; je lui mande de venir ici, je voudrais le marier à une petite fille, qui est un peu juive de son estoc, mais les millions nous paraissent de bonne maison : cela est fort en l’air ; je ne crois plus rien après avoir manqué la petite d’Eaubonne[1]. Madame de Villars me mande encore des merveilles du chevalier (de Grignan) ; je crois que ce sont les premières qu’on a renouvelées ; mais enfin c’est un petit garçon qui a bien le meilleur bruit qu’on puisse jamais souhaiter. Je prie Dieu que les lueurs d’espérance pour une de vos filles[2] puissent réussir ; ce serait une grande affaire. La paresse du coadjuteur devrait bien cesser dans de pareilles occasions.

Écoutez une belle action du procureur général[3]. Il avait une terre, de la maison de Bellièvre, qu’on lui avait fort bien donnée ; il l’a remise dans la masse des biens des créanciers, disant qu’il

  1. Le marquis de Sévigné avait recherché Antoinette Lefèvre d’Eaubonne, cousine de M. d’Onnessson.
  2. Il était question d’un établissement pour mademoiselle d’Alerac, fille du premier lit de M. de Grignan.
  3. Achille de Harlay, depuis premier président.