une année de subsistance ; Dieu prendra soin des autres ; continuez votre attention sur votre dépense ; cela ne remplit point les grandes brèches, mais cela aide à la douceur présente, et c’est beaucoup. M. de Grignan est-il sage ? Je l’embrasse dans cette espérance, ma très-bonne, et je suis entièrement à vous.
145. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.
Je ne suis point entêtée, ma fille, de M. de Lavardin ; je le vois tel qu’il est : ses plaisanteries et ses manières ne me charment point du tout ; je les vois, comme j’ai toujours fait : mais je suis assez juste pour rendre au vrai mérite ce qui lui appartient, quoique je le trouve pêle-mêle avec quelques désagréments ; c’est à ses bonnes qualités que je me suis solidement attachée, et, par bonheur, je vous en avais parlé à Paris ; car, sans cela, vous croiriez que l’enthousiasme d’une bonne réception m’aurait enivrée ; enfin je souhaiterai toujours à ceux que j’aimerai plus de charmes ; mais je me contenterai qu’ils aient autant de vertus. C’est le moins lâche et le moins bas courtisan que j’aie jamais vu ; vous aimeriez bien son style dans de certains endroits, vous qui parlez : tant y a, ma fille, voilà ma justification, dont vous ferez part au gros abbé, si jamais, par hasard, il a mal au gras des jambes[1] sur ce sujet.
Je suis fort aise que vous ayez remarqué, comme moi, la diligence admirable de nos lettres, et le beau procédé de Maux[2], et de ces autres messieurs si obligeants, qui viennent prendre nos lettres, et les portent nuit et jour, en courant de toutes leurs forces, pour les faire aller plus promptement : je vous dis que nous sommes ingrats envers les postillons, et même envers M. de Louvois[3], qui les établit partout avec tant de soin. Mais quoi ! ma très-chère, nous nous éloignons encore ; et toutes nos admirations vont cesser : quand je songe que, dans votre dernière lettre, vous répondez encore à celle que je vous écrivis de la Silleraye, et qu’il y aura demain trois semaines que je suis aux Rochers, je comprends que nous étions déjà assez loin, sans cette augmentation.
D’Hacqueville me dit qu’une fois la semaine, c’est assez écrire