Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/323

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n’en fera pas pour une. Je me suis plainte à d’Hacqueville ; c’est tout ce que je puis faire d’ici, et puis voilà qui est fait pour cette année. N’en direz-vous rien à madame de Vins ? Elle m’a écrit une lettre fort vive et fort jolie ; elle se plaint de mon silence, elle est jalouse de ce que j’écris à d’autres, elle veut désabuser M. de Pomponne de ma tendresse ; il n’y a plus que pour elle : je n’ai jamais vu un fagot d’épines si révolté. Je lui fais réponse, et me réjouis qu’elle se soit mise à être tendre, et à parler de la jalousie, autrement qu’en interligne : je ne croyais pas qu’elle écrivît si bien ; elle me parle de vous, et m’attaque fort joliment. J’eus ici, le jour de la Toussaint, M. Boucherat et M. de Harlay, son gendre, à dîner ; ils s’en vont à nos états, que l’on ouvre quand tout le monde y est : ils me dirent leur harangue, elle est fort belle ; la présence de M. Boucherat sera salutaire à la province et à M. d’Harouïs. M. et madame de Chaulnes ne sont plus à Rennes : les rigueurs s’adoucissent ; à force d’avoir pendu, on ne pendra plus : il ne reste que deux mille hommes à Rennes ; je crois que Forbin et Vins s’en vont par Nantes ; Molac y est retourné. C’est M. de Pomponne qui a protégé le malheureux dont je vous ai parlé. Si vous m’envoyez le roman de votre premier président, je vous enverrai, en récompense, l’histoire lamentable, avec la chanson du violon qui fut roué à Rennes. M. Boucherat but à votre santé ; c’est un homme aimable, et d’un très-bon sens : il a passé par Veret ; il a vu à Blois madame de Maintenon, et M. du Maine qui marche : cette joie est grande. Madame de Montespan fut au-devant de ce joli prince, avec la bonne abbesse de Fontevrault et madame de Thianges ; je crois qu’un si heureux voyage réchauffera les cœurs des deux amies.

Vous me faites un grand plaisir, ma très-chère, de prendre soin de ma petite : je suis persuadée du bon air que vous avez à faire toutes les choses qui sont pour l’amour de moi. Je ne sais pourquoi vous dites que l’absence dérange toutes les amitiés : je trouve qu’elle ne fait point d’autre mal que de faire souffrir : j’ignore entièrement les délices de l’inconstance, et je crois pouvoir vous répondre, et porter la parole pour tous les cœurs où vous régnez uniquement, qu’il n’y en a pas un qui ne soit comme vous l’avez laissé. N’est-ce pas être bien généreuse, de me mêler de répondre pour d’autres cœurs que le mien ? Celui-là, du moins, vous est-il bien assuré ? Je ne vous trouve plus si entêtée de votre fils ; je crois