Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/332

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chée que je ne l’ai encore été de n’être pas à Paris, pour le voir et causer avec lui. Mais savez- vous bien, nia chère, que son régiment est dans le nombre des troupes qu’on nous envoie ? ce serait une plaisante chose s’il venait ici ; je le recevrais avec une grande joie. J’ai fort envie d’apprendre ce qui sera arrivé de votre procureur du pays ; je crains que M. de Pomponne, qui s’était mêlé de cette affaire, croyant vous obliger, ne soit un peu fâché de voir le tour qu’elle a pris ; cela se présente en gros comme une chose que vous ne voulez plus, après l’avoir souhaitée : les circonstances qui vous ont obligée à prendre un autre parti ne sauteront pas aux yeux, du moins je le crains, et je souhaite me tromper. Il me semble que vous devez être bien instruite des nouvelles à cette heure, que le chevalier est à Paris. M. de Coulanges vient de recevoir un violent dégoût ; M. le Tellier a ouvert sa bourse à Bagnols, pour lui faire acheter une charge de maître des requêtes, et en même temps lui donne une commission qu’il avait refusée à M. de Coulanges, et qui vaut, sans bouger de Paris, plus de deux mille livres de rentes. Voilà une mortification sensible, et sur quoi, si madame de Coulanges[1] ne fait rien changer par une conversation qu’elle doit avoir eue avec ce ministre, Coulanges est très-résolu de vendre sa charge[2] ; il m’en écrit, outré de douleur. Vous savez très-bien les espérances de la paix : les gazettes ne vous manquent pas, non plus que les lamentations de cette province. M. le cardinal me mande qu’il a vu le comte de Sault, Renti et Biran[3] : il a si peur d’être l’ermite de la foire, qu’il est allé passer l’avent à Saint-Mihiel. Parlez-moi de vous, ma chère enfant ; comment vous portez-vous ? votre teint n’est-il point en poudre ? êtes-vous belle quand vous voulez ? Enfin je pense mille fois à vous, et vous ne me sauriez trop parler de ce qui vous regarde.


150. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 8 décembre 1675.

J’attendais deux de vos paquets par le dernier ordinaire, et je n’en ai point reçu du tout. Quand les postes tarderaient, comme je le crois bien présentement, j’en devrais toujours avoir reçu un ;

  1. Madame de Coulanges était cousine de M. de Louvois.
  2. De maître des requêtes.
  3. Le comte de Sault, qui fut depuis duc de Lesdiguières ; — le marquis de Renti, delà maison de Croy ; — le marquis de Biran, qui fut depuis duc du Roquelaure et maréchal de France.