Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/403

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vous devez avoir la tête tournée, il vaudrait mieux que ce fût de cette sorte que par l’indéfectibilité de la matière, et par les négations non conversibles. Il est triste de n’être occupée que d’atomes, et de raisonnements si subtils que l’on n’y puisse atteindre.

Au reste, ce serait une chose curieuse que je vous dusse mon mariage ; il ne vous manque plus que cela, pour être une sœur bien différente des autres ; et il n’y a que cette suite qui puisse répondre à tout ce que vous avez fait jusqu’ici sur mon sujet. Quoi qu’il puisse arriver, je vous assure que cela n’augmentera point ma tendresse ni ma reconnaissance pour vous, ma belle petite sœur.

Madame de Sévigné.

Le bon abbé vous assure de son éternelle amitié. Adieu, ma chère enfant. La Mouche[1] est à la cour, c’est une fatigue ; mais que faire ? M. de Schomberg est toujours vers la Meuse, avec son train, c’est-à-dire tout seul tête à tête[2]. Madame de Coulanges disait l’autre jour qu’il fallait donner à M. de Coulanges l’intendance de cette armée. Quand je verrai la maréchale (de Schomberg), je lui dirai des douceurs pour vous. M. le Prince est dans son apothéose de Chantilly ; il vaut mieux là que tous vos héros d’Homère. Vous nous les ridiculisez extrêmement : nous trouvons, comme vous dites, qu’il y a de la feuille qui chante à tout ce mélange des dieux et des hommes ; cependant il faut respecter le père le Bossu. Madame de la Fayette commence à prendre des bouillons, sans en être malade ; c’est ce qui faisait craindre le dessèchement.


190. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Livry, mardi, en attendant mercredi, 4 août 1677.

Je vins ici samedi matin, comme je vous l’avais mandé. La comédie[3] du vendredi nous réjouit beaucoup : nous trouvâmes que c’était la représentation de tout le monde ; chacun a ses visions plus ou moins marquées. Une des miennes présentement, c’est de ne

  1. Madame de Coulanges ; allusion à la fable que madame de Grignan avait envoyée à sa mère.
  2. Son armée se trouvait réduite à rien, par les différents détachements qu’on en avait tirés pour grossir l’armée du maréchal de Créqui.
  3. Les Visionnaires de Desmarets.