Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/407

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leur dès la veille, et nous trouvions que nous avions le plus beau jeu du monde le lendemain. Soutenons donc, ma fille, que rien n’est si bon dans les châteaux qu’une chienne de compagnie, et rien de si mauvais qu’une bonne. Si l’on veut l’explication de cette énigme, qu’on vienne parler à nous.

Je pars lundi pour aller voir notre ami Guitant ; je souhaite qu’il me mette au rang de ces compagnies que l’on craint : pour moi, je le trouve en tout temps digne d’être évité. Sa femme accouche ici, elle en est au désespoir : elle s’y trouve engagée par un procès. Le bon abbé vient avec moi : je ne suis pas fort gaie, comme vous pouvez penser ; mais qu’importe ?

On tient le siège de Charleroi tout assuré ; s’il y a quelque nouvelle entre ci et minuit, je vous la manderai. M. de Lavardin, et tous ceux qui n’ont point de place à l’armée, sont partis pour y aller ; c’est une folie. Pour moi J’espère toujours que ces grandes montagnes n’enfanteront que des souris ; Dieu le veuille !

Le voyage de la Bagnols est assuré ; vous serez témoin de ses langueurs, de ses rêveries, qui sont des applications à rêver : elle se redresse comme en sur saut, et madame de Coulanges lui dit : Ma pauvre sœur, vous ne rêvez point du tout. Pour son style, il m’est insupportable, et me jette dans des grossièretés, de peur d’être comme elle. Elle me fait renoncer à la délicatesse, à la finesse, à la politesse, de crainte de donner dans les tours de passe-passe, comme vous dites : cela est triste de devenir une paysanne. On sent qu’on serait digne de ne pas vous déplaire, par C envie qu’on en a ; et cent autres babioles que je sais quelquefois par cœur, et que j’oublie tout d’un coup. Nous appelons cela des chiens du Iktssan ; ils sont enragés à force d’être devenus méchants.

Adieu, ma très-chère enfant ; ne vous faites aucun dragon, si vous ne voulez m’en faire mille. N’est-ce pas déjà trop de m’avoir dit, que vous ne valiez rien pour moi ? quel discours ! ah ! qu’estce qui m’est donc bon ? et à quoi puis-je être bonne sans vous ? bonjour, M. le comte.


192. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Villeneuve-le-R.oi, mercredi 18 août 1677.

Hé bien ! ma fille, êtes-vous contente ? me voilà en chemin, comme vous voyez. Je partis lundi, et il était question ce jour-la d’une nouvelle qui était encore dans la nue. J’avais une grande im-