Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/419

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gne ; mais les places que vous attaquiez furent plus tôt prises que nos habits ne furent faits. Cela fut reçu agréablement. Ah ! que je connais un homme de qualité à qui j’aurais bien plus tôt fait écrire mon histoire qu’à ces bourgeois-la, si j’étais son maître. C’est cela qui serait digne de la postérité ?

Vous savez que le roi a fait M le Tellier chancelier, et que cela a plu à tout le monde. Il ne manque rien à ce ministre pour être digne de cette place. L’autre jour Berryer lui vint faire compliment à la tête des secrétaires du roi[1] ; M. le chancelier lui répondit : M. Berryer, je vous remercie, et votre compagnie ; mais, M. Berryer, point de finesses, point de friponneries ; adieu, M. Berryer. Cette réponse donne de grandes espérances de l’exacte justice ; cela fait plaisir aux gens de bien. Voilà une famille bien heureuse ; ma nièce de Coligny en devrait être. Cependant voici un peu de fièvre quarte qui fait voir qu’elle est encore des nôtres. Ce que vous dites de la vieille Puisieux, qu’elle n’en devait pas faire à deux fois quand elle fut si malade, un peu avant la maladie dont elle est morte, me donne le paroli[2]. Je ne suis pas encore bien consolée de cette après-dînée que nous passâmes sur le bord de cette jolie rivière, sans y lire vos Mémoires. J’aurai de la peine à m’en passer jusqu’à l’année qui vient. Si je meurs entre-ci et ce temps-là, je mettrai ce déplaisir au rang des pénitences que je devrais faire. Nous parlons souvent, le bon abbé et moi, de-votre bonne chère, de l’admirable situation de Chaseu, et enfin de votre bonne compagnie ; et nous disons qu’il est fâcheux d’en être séparés quasi pour jamais.


199. — DE Mme DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY.

À Livry, ce 23 août 1678.

Où est donc votre fils, mon cousin ? pour le mien il ne mourra jamais, puisqu’il n’a pas été tué dix ou douze fois auprès de Mons. La paix étant faite et signée le 9 août[3], M. le prince d’Orange a voulu se donner le divertissement de ce tournoi. Vous savez qu’il n’y a pas eu moins de sang répandu qu’à Senef. Le lendemain du combat, il envoya faire ses excuses à M. de Luxembourg, et lui manda que s’il lui avait fait savoir que la paix était signée, il se se

  1. Il était procureur syndic perpétuel de leur compagnie.
  2. Expression en usage au jeu de la bassette.
  3. D’Avrigny dit le 11.