Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/436

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Mon fils triomphe aux états ; il vous fait toujours mille amitiés ; c’est plus d’attention pour votre santé, plus de crainte que vous ne soyez pas assez forte : enfin cépigeonest tout à fait tendre. Je lui dis aussi vos amitiés : je suis conciliante, comme dit Langlade. J’ai une envie extrême de savoir si vous serez bien reposée, et si Guisoni ne vous aura point donné quelques conseils que vous ayez suivis. On dit que la glace est bien contraire à votre poitrine ; vous n’êtes plus en état de prendre sur vous, tout y est pris : ce qui reste tient à votre vie. Le bon abbé me disait tantôt que je devrais vous demander Pauline ; qu’elle me donnerait delà joie, de Famusement, et que j’étais plus capable que je n’ai jamais été de la bien élever : j’ai été ravie de ce discours ; mettons-le cuire, nous y songerons quelque jour. Il me vient une pensée, que vous ne voudriez pas me la donner, et que vous n’avez pas assez bonne opinion de moi. Ma fille, cachez-moi cette idée, si vous l’avez ; car je sens q\ie c’est une injustice, et que vous ne me connaissez pas : je serais délicieusement occupée à conserver toutes les merveilles de cette petite.

Mesdemoiselles de Grignan, ne l’aimez-vous pas bien ? Vous devriez m’écrire, et me conter mille choses, mais naturellement, et sans vous en faire une affaire, et me dire surtout comment se porte votre chère marâtre : cela vous accoutumerait à écrire facilement comme nous. Je voudrais bien que le petit continuât à jouer au mail : qu’on le fasse plutôt jouer à gauche alternativement, que de le désaccoutumer de jouer à droite, et d’être adroit. Saint- Aubin a trouvé un mail ici, il y joue très-bien. Je lui dis des choses admirables de sa petite Camuson, et je lui demande les chemins qui l’ont conduit de la haine et du mépris que nous avons vus, à l’estime et à la tendresse que nous voyons : il est un peu embarrassé ; il mange des poids chauds, comme dit M. de la Rochefoucauld, quand quelqu’un ne sait que répondre.

M. de Grignan, je vous observe ; je vous vois venir ; je vous assure que si vous ne me dites rien vous-même de la santé de madame votre femme, après les horribles fatigues de son voyage, je serai bien mal contente de vous. Cela répondrait-il, en effet, à ce que vous me disiez en partant : Fiez-vous à moi, je vous réponds de tout ? Je crains bien que vous n’observiez cette santé que superficiellement. Si je reçois un mot de vous, comme je l’espère, je vous ferai une grande réparation.