Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/47

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peindre toutes, car je romprais le dessein que j’ai fait de ne pas vous accabler de louanges ; et, de plus, Madame, pour vous en donner qui fussent

Dignes de vous, et dignes de paraître,
Il faudrait être votre amant,
Et je n’ai pas l’honneur de l’être[1].


PORTRAIT DE MADAME DE SÉVIGNÉ

PAR LE COMTE DE BUSSY-BABUTIN ;

PORTRAIT DE LA GÉNÉALOGIE MANUSCRITE DE LA MAISON DE RABUTIN.

Marie de Rabutin, fille de Celse-Bénigne de Rabutin, baron de Chantai, et de Marie de Coulanges, naquit toute pleine de grâces : ce fut un grand parti pour le bien ; mais pour le mérite, elle ne se pouvait dignement assortir. Elle épousa Henri de Sévigné, d’une bonne et ancienne maison de Bretagne ; et quoiqu’il eût de l’esprit, tous les agréments de Marie ne le purent retenir ; il aima partout, et n’aima jamais rien de si aimable que sa femme. Cependant elle n’aima que lui, bien que mille honnêtes gens eussent fait des tentatives auprès d’elle, Sévigné fut tué en duel, elle étant encore fort jeune. Cette perte la toucha vivement : ce ne fut pourtant pas, à mon avis, ce qui l’empêcha de se remarier, mais seulement sa tendresse pour un fils et pour une fille que son mari lui avait laissés, et quelque légère appréhension de trouver encore un ingrat. Par sa bonne conduite (je n’entends pas parler ici de ses mœurs [2], je veux dire par sa bonne administration), elle augmenta son bien, ne laissant pas de faire la dépense d’une personne de sa qualité : de sorte qu’elle donna un grand mariage à sa fille, et lui fit épouser François-Adhémar de Monteil, comte de Grignan,

  1. Parodie de ces derniers vers de la Pompe funèbre de Voiture, par Sarrazin :
    ... Pour bien faire voir ces choses par écrit,
    Et dignes de Voiture, et dignes de paraître,
    Il faudrait être bel esprit,
    Et je n’ai pas l’honneur de l’être.
  2. M. de Monmerqué fait observer avec raison que ce mot ne doit pas être pris en mauvaise part. Bussy veut dire seulement que par conduite il n’entend pas parler des mœurs de madame de Sévigné, à l’éloge desquelles il n’a plus rien à ajouter ; mais qu’il prend ce mot dans le sens de la gestion et de l’administration de ses biens.