Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/472

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très-bons ; de vos divertissements, de l’honnêteté de M. de Grignan et de la vôtre, du bon effet que mesdemoiselles de Grignan faisaient pour soutenir les plaisirs, pendant que vous vous reposiez : il dit des merveilles de Pauline et du petit marquis ; jamais je n’eusse fini la conversation la première ; mais il voulait aller à Saint- Germain, car il m’a vue avant le roi son maître.

Je vous crois présentement à Grignan. Je vois avec peine l’agitation de vos adieux ; je vois, au sortir de votre solitude, qui vous a paru si courte, un voyagea Arles ; autre mouvement, et je vois le voyage jusqu’à Grignan, où vous aurez peut-être retrouvé une bise pour vous recevoir dans l’état où vous êtes : ah ! ce n’est point sans inquiétude pour une personne aussi délicate que vous, qu’on se représente toutes ces choses. Vous m’avez envoyé une relationd’Enfossy, qui vaut mieux que toutes les miennes ; je ne m’étonne pas si vous ne pouvez vous résoudre à vendre une terre où il se trouve de si jolies Bohémiennes ; il n’y eut jamais une plus agréable et plus nouvelle réception. Vous êtes, en vérité, si stoïcienne et si pleine de réflexions, que je craindrais de joindre les miennes aux vôtres, de peur que ce ne fût une double tristesse : mais ce qui me paraît sage et raisonnable, et digne de l’amitié de M. de Grignan, ce serait de mettre tcfus ses soins à pouvoir revenir ici au mois d’octobre.

Vous n’avez point d’autre lieu pour passer l’hiver. Je ne veux pas vous en dire davantage présentement ; les choses prématurées perdent leur force et donnent du dégoût.

Il n’est plus question d’aucun grand voyage ; on ne parle que de Fontainebleau. Vous aurez très-assurément M. de Vendôme cette année. Pour moi, je cours en Bretagne avec un chagrin insurmontable ; j’y vais, et pour y aller, et pour y être un peu, et pour y avoir été. Après la perte de la santé, que je mets toujours avec raison au premier rang, rien n’est si fâcheux que le mécompte et le dérangement des affaires : je m’abandonne donc à cette cruelle raison. Jugez de l’excès de mon chagrin, yous qui savez avec quelle inquiétude je souffre le retardement de deux heures des courriers ; vous comprenez bien ce que je vais devenir, avec encore un peu plus de loisir et de solitude, pour donner plus d’étendue à mes craintes : il faut avaler ce calice, et penser à revenir pour vous embrasser ; car rien ne se fait que dans cette vue ; et me trouvant au-dessus de bien des choses, je me trouve infiniment au-dessous de celle-là : c’est ma destinée ; et les peines qui sont attachées à la tendresse que j’ai