Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/473

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour vous, étant offertes à Dieu, font la pénitence d’un attachement qui ne devrait être que pour lui.

Mademoiselle de Scudéri est très-affligée delà mort de M. Fouquet ; enfin, voilà cette vie qui a tant donné de peine à conserver ! il y aurait beaucoup à dire là-dessus ; sa maladie a été des convulsions et des maux de cœur, sans pouvoir vomir. Je m’attends au chevalier pour toutes les nouvelles, et surtout pour celles de madame la Dauphine, dont la cour est telle que vous l’imaginez : vos pensées sont très-justes : le roi y est fort souvent, cela écarte un peu la presse. Adieu, ma très-chère et très-aimable : je suis plus à vous mille fois que je ne puis vous le dire.


224. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, samedi au soir 6 avril 1680.

Vous allez apprendre une nouvelle qui n’est pas un secret, et vous aurez le plaisir de la savoir des premières. Madame de Fontanges[1] est duchesse avec vingt mille écus de pension ; elle en recevait aujourd’hui les compliments dans son lit. Le roi y a été publiquement ; elle prend demain son tabouret, et s’en va passer le temps de Pâques à une abbaye (de Chelles) que le roi a donnée à une de ses sœurs. Voici une manière de séparation qui fera bien de l’honneur à la sévérité du confesseur. Il y a des gens qui disent que cet établissement sent le congé : en vérité, je n’en crois rien, le temps nous l’apprendra. Voici ce qui est présent : madame de Montespan est enragée ; elle pleura beaucoup hier ; vous pouvez juger du martyre que souffre son orgueil, qui est encore plus outragé par la haute faveur de madame de Maintenon. Sa Majesté va passer très-souvent deux heures de l’après-diner dans la chambre de cette dernière, à causer avec une amitié et un air libre et naturel qui rend cette place la plus désirable du monde. Madame de Richelieu commence à sentir les effets de sa dissipation ; les ressorts s’affaiblissent visiblement ; elle présente tout le monde, et ne dit plus ce qui convient à chacun : ce petit tracas de dame d’honneur, dont elle s’acquittait si bien, est tout dérangé. Elle présenta la Trousse et mon fils, sans les nommera Monseigneur. Elle dit de la duchesse de Sully : Voilà une de nos danseuses ; elle ne nomma pas madame de Verneuil : elle pensa laisser baiser madame de Lou vois,

  1. Marie-Angélique d’Escorailles.