Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/480

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pliquée hardiment. « Il a fait voir qu’il n’y avait que cette fille de « libre, puisqu’elle avait une participation de la liberté de J. C. et « des saints ; qu’elle était délivrée de l’esclavage de nos passions, « que c’était elle qui était libre, et non pas nous ; qu’elle n’avait <« qu’un maître, que nous en avions cent ; et que bien loin de la « plaindre, comme nous faisions, avec une grossièreté condamnais ble, il fallait la regarder, la respecter, l’envier, comme une personne choisie de toute éternité pour être du nombre des élus. » J’en supprime les trois quarts : mais enfin c’était une pièce achevée. On n’imprime point l’oraison funèbre de madame de Longueville.

Vous me demandez pourquoi je ne mène point Corbinelli. Il s’en va en Languedoc, il est comblé des biens et des manières obligeantes de M. de Vardes, qui accompagne les douze cents francs {de pension) d’une si admirable sauce ; je veux dire de tant de paroles choisies, et de sentiments si tendres et si généreux, que la philosophie de notre ami n’y résiste pas. Vardes est tout extrême ; et comme je suis persuadée qu’il le haïssait, parce qu’il le traitait mal, il l’aime présentement, parce qu’il le traite bien : c’est le proverbe italien[1] et son contraire. Je m’en vais donc avec le bon abbé et des livres, et votre idée, dont je recevrai tous mes biens et tous mes maux. Je vous promets qu’elle m’empêchera de demeurer le soir au serein ; je me représenterai que cela vous déplaît : ce ne sera pas la première fois que vous m’aurez fait rentrer au logis de cette sorte. Je vous promets de vous consulter et de vous obéir toujours, faites-en de même pour moi, et ne vous chargez d’aucune inquiétude ; reposez-vous de ma conservation sur ma poltronnerie ; je n’ai pas en vous les mêmes sujets de confiance, j’ai bien des choses à vous reprocher ; et, sans aller jusqu’à Monaco, n’ai-je pas les bords du Rhône, où vous forcez tous les braves gens de votre famille à vous accompagner malgré eux ? malgré eux, vous dis-je ; souvenez-vous au contraire que je mourais de peur a pied en passant les vaux d’Olioules[2] : voilà ce qui doit justifier mes craintes et fonder votre tranquillité. Faites donc en sorte que

  1. Chi offendi non perdona.
  2. Les vaux d’Olioules, qu’on appelle en langage du pays leis baous d’Olioules, ne sont autre chose qu’un chemin étroit, d’environ une lieue, à côté d’une petite rivière qui passe entre deux montagnes très-escarpées en Provence.