Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/505

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chapitre du Don de la persévérance me tomba hier sous la main ; lisez-le, et lisez tout le livre, il n’est pas long ; c’est où j’ai puise mes erreurs ; je ne suis pas seule, cela me console ; et en vérité’je suis tentée de croire qu’on ne dispute aujourd’hui sur cette matière avec tant de chaleur que faute de s’entendre.

Je serais fort heureuse dans ces bois, si j’avais une feuille qui chantât : ah ! la jolie chose qu’une feuille qui chante ! et la triste demeure qu’un bois où les feuilles ne disent mot, et où les hiboux prennent la parole ! je suis une ingrate, ce n’est que les soirs, et j’y entends mille oiseaux tous les matins. Vous n’en avez point où vous êtes, et vous ne faites qu’observer, comme vous disiez l’autre jour, de quel côté vient le vent ; votre terrasse doit être une fort belle chose : j’y suis souvent avec vous tous, et mon imagination sait bien où vous trouver dans cette belle et grande principauté.

Il me paraît que mon fils est à Fontainebleau, sans être à la cour. On me mande de plusieurs endroits qu’il est toujours dans une grande, grande maison, où il paraît qu’il se trouve bien, puisqu’il n’en sort point. Vous savez que ce n’est pas ainsi qu’on fait sa cour, on ridiculise cette conduite fort aisément. Voilà le voyage de Flandre assuré ; si les dauphins (les gendarmes) y vont, c’est une dépense à quoi l’on ne s’attendait pas.

Le chevalier m’a écrit une très-bonne et honnête lettre. J’ai fait réparation à M. d’Évreu-x ; je n’ai plus rien à demander à ces Grignans-là : pour l’aîné, c’est une autre affaire ; tant qu’il aura ma fille si loin de moi, j’aurai toujours bien des choses à démêler avec lui. Il me semble que vous devez avoir maintenant M. l’archevêque, et que vous êtes plus disposée que jamais à jouir de cette bonne et solide compagnie. Vous voilà donc privée de celle de M. Rouillé ; vous le regretterez ; mais ce n’est plus votre affaire, du moment que le lieutenant général cède \a place au gouverneur (M. de Vendôme). Je sens présentement le plaisir de voir le coadjuteur à la tête de cette assemblée avec un nouveau gouverneur et un nouvel intendant ; il y fera des merveilles ; et cela me paraît de la dernière importance pour vous. L’étoile est changée, le sort est rompu pour les Grignans, et peut-être pour l’aîné ; ni bonheur ni malheur, rien n’est de longue durée en ce pays-là ; j’en excepte les prisonniers et les exilés[1], qui sont hors du commerce.

  1. Fouquet, Lauzun, Bussy-Rabutin, Vardes, etc