Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/511

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feu Madame, que des siècles entiers auront peine à remplacer, et pour la beauté, et pour la belle jeunesse, et pour la danse : ah ! quelles bergères et quelles amazones ! il me semble que tout le monde s’excuse de ce ballet ; la ducbesse de Sully soutiendra Thon neur de la danse, mais non de la cadence ; il y a eu bien des affaires dans sa famille ; madame de Verneuil parlait du baptistaire, M. de Sully des affaires et des procès qu’elle a à solliciter ; enfin madame la Dauphine a si bien commandé qu’il a fallu obéir. Adieu, ma chère enfant, vous ne devez avoir aucune inquiétude pour ma santé, elle est très-parfaite ; et plût à Dieu que je puisse penser la même chose de vous ! Je ne sens point le serein ; j’ai de petits cabinets qui sont des brandebourgs fort commodes ; en y lit, on y cause, on laisse tomber les traits du serein, et puis on rentre dans ce mail que je ne crois pas moins sûr qu’une belle et grande galerie.


239. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 5 novembre 1680.

Je vous conseille toujours, ma fille, de partir le plus tôt que vous pourrez : si vous attendez que M. de Grignan ait rempli tous ses devoirs, il ne faut point penser à venir cet hiver. Il me semble que l’amitié qu’il a pour vous le doit obliger à prendre toute autre résolution que celle de vous exposer au froid et aux mauvais chemins ; je ne comprendrai jamais une autre conduite. Vous êtes bien née pour n’avoir jamais un moment de joie et de tranquillité, puisque vous passez légèrement sur votre séjour de Paris, pour vous occuper de votre retour à Grignan. Voilà une sorte de dragon dont on n’a jamais accoutumé de se charger, quand on est encore au milieu des agitations d’un départ. Pour moi, ma chère enfant, je ne sais ce qui vous oblige de penser à quitter Paris, quand vous y serez une fois ; votre logement y sera commode, votre bail renouvelé pour quatre ans, votre dépense réglée ; et si vous voulez éviter, c’est-à-dire M. de Grignan, les dépenses extraordinaires, vous trouverez que c’est le seul lieu où vous pouvez reprendre haleine : la dépense d’ Aix est une furie ; je me figure que vous êtes un peu revenue de cette économie de Grignan, où vous trouviez que vous pouviez vivre pour rien ; cela s’appelle rien, rien du tout ; vos trois tables fort souvent dans la galerie, et toutes les visites et les trains ; toujours nourrir bêtes et gens, chose qu’il n’y a plus que vous au monde qui fassiez. Toute cette fameuse auberge, tout ce concours