Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/592

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quelque contenance au gouverneur, et qu’on ne voudra point lui donner le dégoût tout entier. M. de Charost est revenu un moment, pour se justifier de cent choses que M. de Lauzun a dites assez mal à propos, et de l’état de sa place, et de la réception qu’il a faite a la reine ; il fait voir le contraire de tout ce qu’a dit Lauzun ; cela ne fait point d’honneur à ce dernier, dont il semble que la colère de Mademoiselle arrête l’étoile ; il n’a ni logement, ni entrées ; il est simplement à Versailles.


282. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, lundi 21 février 1689.

Il est vrai, ma chère fille, que nous voilà bien cruellement séparées l’une de l’autre, aco fa trembla[1]. Ce serait une belle chose, si j’y avais ajouté le chemin d’ici aux Rochers ou à Rennes : mais ce ne sera pas sitôt ; madame de Chaulnes veut voir la fin de plusieurs affaires, et je crains seulement qu’elle ne parte trop tard, dans le dessein que j’ai de revenir l’hiver prochain, par plusieurs raisons, dont la première est que je suis très-persuadée que M. de Grignan sera obligé de revenir pour sa chevalerie ; et que vous ne sauriez prendre un meilleur temps pour vous éloigner de votre château culbuté et inhabitable, et venir faire un peu votre cour avec M. le chevalier de l’ordre, qui ne le sera qu’en ce temps-là. Je fis la mienne l’autre jour à Saint-Cyr, plus agréablement que je n’eusse jamais pensé. Nous y allâmes samedi, madame de Coulanges, madame de Bagnols, l’abbé Têtu et moi. Nous trouvâmes nos places gardées : un officier dit à madame de Coulanges que madame de Maintenon lui faisait garder un siège auprès d’elle ; vous voyez quel honneur. Pour vous, madame, me dit-il, vous pouvez choisir ; je me mis avec madame de Bagnols au second banc derrière les duchesses. Le maréchal de Bellefonds vint se mettre, par choix, à mon côté droit, et devant c’étaient mesdames d’Auvergne, de Coislin et de Sully ; nous écoutâmes, le maréchal et moi, cette tragédie avec une attention qui fut remarquée, et de certaines louanges sourdes et bien placées, qui n’étaient peut-être pas sous les fontanges de toutes les dames. Je ne puis vous dire l’excès de l’agrément de cette pièce : c’est une chose qui n’est pas aisée à représenter, et qui ne sera jamais imitée : c’est un rapport de la musique, des vers, des

  1. Phrase provençale.