Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/615

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engagé qu’à madame de la Fayette avec une joie sensible, pourvu que la cour le laisse le maître ; nous étions trop bien de ce côté-là ; mais, ma fille, nous n’y songeons plus : M. de Cavoie aura la députation pour son beau-frère, et fera bien. La bonne duchesse a trop perdu de temps ; elle est timide, elle trouvera les chemins barrés ; tout le monde ne sait pas parler. De vous dire que je concilie ce procédé léthargique avec une amitié dont je ne saurais douter, non très-assurément, je ne le comprends pas, ni mon fils non plus : mais notre résolution, c’est d’être assez glorieux pour ne nous point plaindre ; cela donnerait trop de joie aux ennemis de ce duc, ce serait un triomphe. Nous sommes dans ces bois ; il nous est aisé de nous taire ; il peut arriver des changements pour une autre année : ainsi, ma chère enfant, nous sommes fort aises que vous l’ayez reçu si magnifiquement ; nous ne rompons nous-mêmes aucun commerce ; je dirai seulement le fait, et demanderai à son excellence comment elle a pu faire pour penser sans cesse à nous, et pour nous oublier et s’oublier elle-même. Nous n’irons point du tout aux états, et nous nous moquerons de l’ arrière-ban, qui ne nous est bon qu’à nous donner du chagrin. Voilà nos sages résolutions : si vous les approuvez, nous les trouverons encore meilleures. Cependant nous sommes très-sensibles à la perte que vous allez faire de votre aimable Comtat ; nous ne saurions trop regretter tant de belles et bonnes choses qui en revenaient, ni vous voir sans peine rentrer dans la sécheresse et l’aridité des revenus. Je sens ce coup tout comme vous, et peut-être davantage ; car vous êtes sublime, et je ne le suis pas.

À propos de sublime, M. de Marillac[1] ne fait point mal, ce me semble. La Fayette est joli, exempt de toute mauvaise qualité ; il a un bon nom, il est dans le chemin de la guerre, et a tous les amis de sa mère, qui sont à l’infini : le mérite de cette mère est fort distingué ; elle assure tout son bien, et l’abbé[2] le sien. Il aura un jour trente mille livres de rente : il ne doit pas une pistole : ce n’est point une manière de parler. Qui trouvez-vous qui vaille mieux, quand on ne veut point delà robe ? La demoiselle a deux cent mille francs, bien des nourritures ; madame de la Fayette pouvait-elle

  1. René de Marillac, doyen des conseillers d’État, mariait Marie-Madeleine de Marillac, sa fille, avec René-Armand Mothier, comte de la Fayette, fils puîné de madame de la Fayette.
  2. Louis Mothier, abbé de la Fayette, fils ainé de madame de la Fayette.