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ÉMILIE DE TOURVILLE
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Mon frère aîné me demanda, le lendemain de cette affaire, pourquoi je me permettais de sortir ainsi toute seule un aussi grand nombre de fois dans la semaine et à de pareilles heures. — Je vais passer la soirée chez ma tante, lui dis-je. — Cela est faux, Émilie, il y a un mois que vous n’y avez mis les pieds. — Eh bien, mon cher frère, répondis-je en tremblant, je vais vous avouer tout : une de mes amies que vous connaissez bien, Mme de Saint-Clair, a la complaisance de me mener trois fois la semaine dans sa loge aux Français, je n’ai osé en rien dire, de peur que mon père ne le désapprouvât, mais ma tante le sait à merveille. — Vous allez au spectacle, me dit mon frère, vous auriez pu me le dire, je vous y aurais accompagnée, et la démarche devenait plus simple… mais seule avec une femme qui ne vous appartient en rien et presque aussi jeune que vous… — Allons, allons, mon ami ; dit mon autre frère qui venait de s’approcher pendant l’entretien, mademoiselle a ses plaisirs, il ne faut pas les troubler… elle cherche un époux, assurément ils s’offriront en foule avec cette conduite… et tous deux me tournèrent sèchement le dos. Cette conversation m’effraya ; cependant mon frère aîné paraissant assez convaincu de l’histoire de la loge, je crus avoir réussi à le

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